La junte qui a renversé mercredi le premier président démocratiquement élu de Mauritanie s'efforçait jeudi de s'assurer un soutien populaire et de rassurer une communauté internationale qui a condamné ce coup de force mené par l'ex-chef de la garde présidentielle.

Une marche de soutien aux putschistes a réuni jeudi à Nouakchott quelques centaines de véhicules et un millier de personnes qui ont défilé aux cris de «Aziz! Aziz!», du nom du général Mohamed Ould Abdel Aziz qui a mené le coup d'État juste après l'annonce de son limogeage par le président.

Ailleurs, les gens vaquaient presque normalement à leurs occupations, tandis que des véhicules chargés de policiers en tenue anti-émeute s'étaient postés à quelques carrefours jugés sensibles.

Dans la nuit, un conseil de trois généraux et huit colonels, dirigé par le général Ould Abdel Aziz, a annoncé avoir «mis fin au pouvoir du président» Sidi Ould Cheikh Abdallahi, élu en mars 2007, et promis une élection présidentielle «libre et transparente» dans «une période qui sera la plus courte possible».

Abdallahi, premier président démocratiquement élu depuis l'indépendance du pays en 1960, avait été arrêté mercredi juste après avoir annoncé le limogeage de plusieurs officiers supérieurs, dont le général Ould Abdel Aziz.

«Je m'engage personnellement à préserver l'État de droit, les libertés des citoyens et les institutions démocratiques existantes», a affirmé mercredi soir le nouvel homme fort de Nouakchott, 52 ans.

Se voulant rassurante, la junte s'est aussi engagée «à respecter tous les traités et engagements internationaux liant la Mauritanie».

Les putschistes prennent visiblement soin de ne pas provoquer la communauté internationale qui a condamné le coup d'État, 15 mois après la présidentielle saluée comme un «modèle démocratique» pour l'Afrique et le monde arabe.

Jeudi, l'Égypte s'est dite «consternée» par le coup d'État et la Ligue arabe a fait part de son «extrême» inquiétude, tandis que la France a évoqué des «conséquences sur les relations» de la Mauritanie avec l'Union européenne s'il n'y avait pas un «retour à la légalité constitutionnelle».

Dans la nuit, Israël, qui entretient des relations avec Nouakchott, avait également assuré «soutenir le processus démocratique en Mauritanie».

Mercredi, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait dit regretter «profondément» le coup d'État, fermement condamné par l'Union africaine, la Commission européenne, la présidence (française) du Conseil de l'Union européenne, les États-Unis ou encore l'Organisation de la conférence islamique.

En Mauritanie, les discours de deux «porte-parole» s'affrontent désormais par médias interposés.

D'une part, le porte-parole du président renversé, Abdoulaye Mahmadou Ba (disant vivre «caché» pour éviter d'être arrêté) a demandé à la communauté internationale de «ne reconnaître en aucun cas» le pouvoir des putschistes et à refuser «la mascarade d'élection» qu'ils veulent organiser pour «imposer une marionnette manipulable à leur guise».

D'autre part, le député Sidi Mohamed Ould Maham, au nom des parlementaires dits «frondeurs» qui avaient démissionné en début de semaine du parti au pouvoir, avait appelé «tous les citoyens» à participer à la «marche de soutien» aux putschistes.

Pays pauvre en grande partie désertique, la Mauritanie est frappée notamment par la crise alimentaire mondiale et une crise sécuritaire inédite, après trois attaques de la mouvance d'Al-Qaeda fin 2007-début 2008.