La Mission de l'ONU en République démocratique du Congo (Monuc) se trouve de nouveau confrontée à des difficultés à la suite du soutien affiché publiquement par un de ses officiers indiens au chef rebelle tutsi congolais Laurent Nkunda.

La Monuc a demandé «l'ouverture immédiate d'une enquête» au Bureau des services de contrôle interne (BSCI) de l'ONU, a déclaré jeudi à l'AFP son porte-parole à Kinshasa, Kemal Saïki.

Elle «désavoue les propos personnels» de ce commandant d'unité au Nord-Kivu» et «réitère son plein soutien aux autorités congolaises».

La Mission a reçu des «éléments de preuve difficilement réfutables» sur ces déclarations que le colonel indien Chand Saroha a tenues «à la mi-avril 2008» près de Kitchanga, fief du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Nkunda, acteur majeur de la crise sécuritaire dans la région du Nord-Kivu.

Ces déclarations ont été faites au cours d'une cérémonie d'adieu du colonel Saroha au chef du CNDP peu avant son retour en Inde dans le cadre des rotations, à l'issue d'une année de service en RDC.

Dans un enregistrement audio - dont l'AFP a pris connaissance - de cette cérémonie, l'officier indien qualifie le général déchu Nkunda de «frère» qui «combat pour une noble cause» et qui est «prêt au sacrifice» à l'instar des «vrais révolutionnaires».

En réponse, le général déchu Nkunda le remercie pour son amitié et son soutien: «Tu nous a énormément aidés», lui lance-t-il.

Le colonel Saroha rappelle qu'il n'était «pas officiellement autorisé à rencontrer» les rebelles, mais dit avoir été impressionné par leur «discipline» et leur «bonne conduite», avant de décorer Laurent Nkunda d'une «médaille d'honneur».

Cet officier a commandé l'unité des Casques bleus déployée à Sake, verrou stratégique situé à 30 km de la capitale provinciale Goma, pendant une période sensible. Cette localité était défendue par les Casques bleus et marquait la frontière entre les positions du CNDP et celles de l'armée régulière congolaise, à laquelle l'ONU apportait un appui logistique.

En décembre 2007, le colonel Saroha était présent au quartier général de campagne de l'armée congolaise, près de Sake. L'armée venait de lancer une offensive contre le CNDP qui s'est soldée par un cuisant échec au bout d'une semaine d'intenses combats.

La cérémonie d'adieu à Nkunda et son état-major - dont son bras droit Bosco Ntaganda, visé par un mandat de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre - a eu lieu après le lancement d'un nouveau processus de paix au Kivu.

La Monuc qualifie la démarche de son officier d'«inacceptable» et «contraire au mandat» de l'ONU, tout en soulignant qu'elle a «été menée totalement à l'insu de son commandement».

Cette affaire relance une enquête déjà ouverte par le BSCI de l'ONU au Nord-Kivu. Dans un rapport confidentiel de février 2008, le BSCI fait état d'allégations «très sérieuses» selon lesquelles «des membres du bataillon indien (de la Monuc) fournissaient de la nourriture, des munitions et de l'information au général Laurent Nkunda».

La Monuc - la plus importante mission de maintien de la paix dans le monde avec 19.000 membres, dont 17.000 Casques bleus - a été éclaboussée par plusieurs scandales impliquant ses personnels dans des affaires d'abus sexuels ou de trafics de minerais, depuis son déploiement en RDC en 2001.

L'Inde est un des plus gros contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, qui ne dispose pas d'armée en tant que telle et dont les opérations sont menées avec les forces fournies par les pays membres.

Lors de scandales, les Nations unies n'ont souvent comme seul moyen coercitif que de renvoyer les responsables dans leur pays d'origine, où ils peuvent éventuellement être poursuivis au pénal.