Quatre mois après le renversement par un vote parlementaire du gouvernement du premier ministre Jacques-Edouard Alexis, Haïti est toujours plongé dans la crise politique, sans gouvernement légitime dans un pays qui a connu début avril des émeutes de la faim.

Après avoir échoué à faire entériner la nomination successive de deux de ses proches au poste de premier ministre, le président René Préval a réussi le 31 juillet dernier à faire ratifier par le Parlement la désignation d'une femme, Michèle Pierre-Louis (61 ans), pour former un nouveau gouvernement.

Premiers bailleurs d'Haïti, les États-Unis ont souhaité travailler étroitement avec le nouveau premier ministre. La mission des Nations unies pour la stabilisation d'Haïti ainsi que l'ambassade des États-Unis avaient souhaité la formation rapide du gouvernement.

Mais sans majorité au Parlement, le chef de l'État et le premier ministre se voient obligés de négocier avec les partis représentés dans les deux chambres du parlement - parfois de petites formations n'ayant pas plus de deux élus -, et qui réclament tous un poste dans le futur gouvernement.

«Les négociations sont longues et difficiles. Il y a 18 portefeuilles ministériels pour 19 partis politiques», admettait récemment Mme Pierre-Louis, qui doit encore faire approuver son programme politique devant les deux chambres du Parlement avant de pouvoir gouverner.

«Je sais que gouverner ce pays va être une expérience difficile, mais je me prépare à cela», a-t-elle déclaré.

Face au blocage, certains partis qui avaient exigé des postes au gouvernement ont annoncé leur retrait des discussions, mais assurent qu'ils ne poseraient pas d'obstacles à la ratification de l'énoncé de politique générale de Mme Pierre-Louis.

Toutefois, le premier ministre, qui était attendu en début de semaine au Parlement, ne s'est pas présenté. Mme Pierre-Louis a assuré dans un communiqué publié par son bureau que les négociations se poursuivaient.

«En accord avec le président René Préval, je procède aux dernières consultations relatives à la formation du gouvernement et je me prépare à présenter, dans les meilleurs délais, au parlement l'énoncé de la politique générale», a-t-elle assuré.

«Michèle a déjà passé deux étapes difficiles. J'ai l'impression qu'à la chambre basse elle arrivera à faire voter sa politique de gouvernement. Mais au Sénat c'est très, très difficile», a déclaré le président René Préval à Radio Ibo, une station de la capitale.

Le vote du Sénat, qui fonctionne avec un tiers de ses membres en moins en attendant de nouvelles élections, dépend de deux ou trois parlementaires qui peuvent infirmer le quorum ou voter contre le premier ministre.

«Le pays est effectivement en crise, une crise légale, constitutionnelle, mais la vraie crise c'est la crise économique, la vraie crise c'est ceux qui ne mangent pas», a fait valoir M. Préval.

«La population est impatiente, elle attend l'issue de la crise gouvernementale et des actions concrètes qui améliorent ses conditions de vie», a de son côté déclaré le premier ministre.

Pays le plus pauvre du continent américain, Haïti compte une population de plus de 8,5 millions d'habitants dont plus de 70% vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins de deux dollars par jour.

Des débuts d'émeutes de la faim en avril avaient fait plus de cinq morts et de nombreux dégâts dans le pays en proie à une instabilité chronique.