Prague et Washington ont signé mardi un accord bilatéral de défense antimissile, malgré les multiples mises en garde de Moscou et l'hostilité de l'opinion publique tchèque.

Lors de la signature, la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice a qualifié d'«historique» le traité qui prévoit de déployer un radar sur le sol tchèque pour compléter le bouclier antimissile américain, en liaison avec dix missiles intercepteurs en cours de négociation avec la Pologne voisine.

«C'est vraiment un accord historique, un accord convenant pour des amis et alliés affrontant une menace commune», a dit Mme Rice, qui a apposé son paraphe avec son homologue tchèque, Karel Schwarzenberg.

Cet accord «représente une pierre dans l'édifice de la sécurité, pas seulement la sécurité des États-Unis et de la République tchèque, mais aussi celle de l'OTAN et de la communauté internationale», avait-elle assuré avant la cérémonie organisée à Prague.

Très vite, la Russie a menacé de «réagir»: «si, près de nos frontières, débute un déploiement réel de système de défense antimissile stratégique américain, alors nous serons obligés de réagir non pas de façon diplomatique, mais par des techniques militaires», a déclaré un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.

Washington a toujours affirmé que l'extension de son système balistique n'était pas dirigé contre Moscou mais visait à parer les attaques éventuelles de pays comme l'Iran.

«Nous voulons que le système soit transparent pour les Russes», a assuré Mme Rice à son arrivée à Prague.

Malgré l'insistance de Moscou, les Tchèques ont refusé toute présence permanente d'experts russes sur le site du radar: l'accord signé mardi prévoit seulement que «toute visite d'un représentant officiel d'un pays tiers sera soumise à approbation» des autorités tchèques.

Pour être valide, l'accord doit encore être ratifié par les deux chambres du parlement tchèque, mais rien ne garantit que les députés, très divisés sur le sujet, l'entérineront.

Mardi, le chef de la diplomatie tchèque a espéré qu'il y aurait assez de députés «conscients de leur responsabilité pour soutenir le vote avec force» pour la ratification dont la date n'a pas encore été fixée.

Les sondages montrent régulièrement que deux tiers des Tchèques sont opposés au projet et que plus de 70% demandent un référendum.

Au moins 2000 personnes ont manifesté mardi en fin d'après-midi au centre de Prague en criant «démission, démission» ou «non au radar». Pour les mouvements pacifistes, l'accord va alimenter la course aux armements.

Dans la matinée, des militants de Greenpeace avaient déployé sur une des collines surplombant le centre de la capitale une immense banderole figurant une cible, avec des pancartes disant «Ne faites pas de nous des cibles».

«Cet accord est un exemple de notre désir commun de protéger le monde libre», a pour sa part assuré le premier ministre libéral tchèque Mirek Topolanek, en soulignant qu'il y voyait une occasion unique d'ancrer l'ancien pays communiste à l'Ouest.

«Nous avons eu des occasions semblables dans le passé et nous les avons manquées», a dit celui qui affiche aussi volontiers ses sentiments pro-américains que ses réticences vis-à-vis de la construction européenne.

La signature de l'accord tchéco-américain est intervenue alors que les États-Unis n'ont pas réussi à conclure les négociations avec la Pologne pour l'installation des missiles intercepteurs destinés à compléter le dispositif.

Mme Rice a d'ailleurs annoncé que de ce fait, elle ne se rendrait pas à Varsovie, comme envisagé à l'origine.

Après Prague, elle poursuivra sa tournée européenne en Bulgarie et en Géorgie, où elle doit renouveler le soutien américain à l'intégration de Tbilissi au sein de l'OTAN - un autre point de friction avec Moscou.

«La Géorgie est un État indépendant et doit être traitée comme telle», a-t-elle souligné à son arrivée à Prague, avant d'accuser Moscou d'alimenter les tensions dans la région.

La Russie a décidé en avril de renforcer ses liens avec deux régions séparatistes de Géorgie, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, ce qui a entraîné une montée des tensions entre Moscou et Tbilissi.