Pays du Nord et du Sud semblaient partis dimanche pour une dure confrontation à l'OMC autour de la libéralisation du commerce mondial, lors d'une négociation qui s'est ouverte par une polémique autour de l'ancien chef de la propagande nazie Joseph Goebbels.

Le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, a convoqué à partir de lundi les ministres d'une trentaine de pays, sur les 152 que compte l'OMC, pour tenter de sauver sept années de négociation sur la baisse des barrières douanières dans le monde.

Mais dès samedi, les ministres du Commerce présents à Genève ont commencé à multiplier les rencontres bilatérales ainsi que les accusations rappelant des pires heures de la négociation.

Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Celso Amorim, a ouvert le feu en comparant la stratégie des pays riches à celle de Goebbels, le chef de la propagande du IIIe Reich.

Lors d'une conférence de presse, M. Amorim, qui joue depuis le début de la négociation le rôle de porte-parole des pays émergents, a accusé les pays riches de chercher à faire croire que le dossier agricole était déjà pratiquement accepté par l'ensemble des pays membres.

«Il reste beaucoup à faire dans l'agriculture», a au contraire souligné M. Amorim, en s'excusant de citer Goebbels («si l'on répète un mensonge plusieurs fois, cela devient la vérité»).

Le chef de la diplomatie brésilienne a dénoncé «le mythe» selon lequel les pays riches n'auraient plus de concessions à faire dans l'agriculture et un accord final n'attendrait plus que le bon vouloir des pays du Sud sur la question des produits industriels.

Ces propos ont été très mal reçus par la négociatrice américaine Susan Schwab, elle-même fille de survivants de l'Holocauste.

«Au moment où nous essayons de trouver une issue favorable aux négociations, ce genre de propos est très mal venu», a déclaré à l'AFP son porte-parole, Sean Spicer.

Evoquant «l'histoire personnelle» de Mme Schwab, M. Spicer a estimé qu'un ministre des Affaires étrangères «devrait être conscient de certaines sensibilités».

M. Amorim et Mme Schwab devaient participer dans la soirée à un dîner organisé par le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, et s'entretenir lundi en tête à tête.

Selon son service de presse, M. Amorim «n'a pas l'intention de lui présenter des excuses» lors de cette rencontre, «puisque son intention était de montrer que la propagande peut se superposer aux faits historiques» et non pas de faire une comparaison quelconque entre des personnes.

M. Amorim a simplement regretté «que Mme Schwab ou toute autre personne se soient sentis offensés» par rapport à un «fait historique».

Le ministre brésilien, qui dirige de facto aux côtés de l'Inde le «G20», groupe qui rassemble des grands pays émergents comme la Chine, le Nigeria, l'Argentine ou l'Afrique du Sud, a également jeté un froid en évoquant le spectre de Cancun, en référence à la conférence ministérielle de l'OMC en 2003 dans la station balnéaire mexicaine, qui avait tourné à un stérile affrontement Nord-Sud.

Dénonçant les faibles concessions agricoles des pays du Nord, qui exigent en échange que les pays émergents ouvrent leur marché aux services et aux produits industriels, M. Amorim a assuré que son pays était prêt à attendre trois ou quatre années de plus afin d'obtenir un meilleur accord que celui qui est sur la table actuellement.