Le président zimbabwéen Robert Mugabe a posé vendredi comme préalable à toute négociation la reconnaissance de sa réélection à la tête de l'Etat, mais s'est heurté à une fin de non recevoir de l'opposition.

«Je suis le président de la République du Zimbabwe et c'est la réalité. Ceux qui veulent le dialogue doivent l'accepter», a lancé Robert Mugabe en rentrant d'Egypte où il a assisté en début de semaine à un sommet de l'Union africaine (UA).

Si l'opposition est «d'accord» avec ce préalable, «alors nous pourrons engager un dialogue et écouter leurs idées», a-t-il ajouté devant 3.000 à 4.000 partisans venus l'attendre à l'aéroport de Harare.

«C'est une condition préalable irréaliste et nous n'allons pas l'accepter», a réagi le porte-parole du principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Nelson Chamisa.

«Mugabe n'est pas légitime et n'a pas le soutien du peuple du Zimbabwe. Mugabe n'est pas sérieux», a-t-il ajouté.

Le plus vieux des chefs d'État africains, 84 ans dont 28 au pouvoir, a été investi dimanche pour un sixième mandat à la tête du Zimbabwe à l'issue d'un scrutin qualifié de «fraude» par l'opposition et l'Occident.

Au sommet de l'UA, lundi et mardi à Charm-el-Cheikh, certains dirigeants africains, notamment du Nigeria, du Botswana ou de Sierra Leone, ont critiqué cette élection.

Mais d'autres, comme le Gabon ou la Gambie, ont serré les coudes autour de Robert Mugabe. Au final, le communiqué adopté par l'UA se contente de manifester «l'inquiétude» du continent face à la situation au Zimbabwe et appelle à la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Si Harare a jugé «bienvenue» cette résolution, le chef du MDC, Morgan Tsvangirai, a rejeté l'idée d'un gouvernement d'union, estimant qu'elle ne «reflétait pas la volonté» des Zimbabwéens.

Arrivé largement en tête au premier tour de la présidentielle le 29 mars, le leader de l'opposition s'était retiré de la course électorale en raison des violences contre ses partisans qui, selon lui, ont fait près de 103 morts, 10.000 blessés et 5.000 disparus.

Le MDC considère que seuls les résultats du premier tour sont légitimes et ne veut pas dialoguer sur une autre base. Le parti ne veut pas non plus discuter d'un gouvernement d'union, mais d'un mécanisme temporaire permettant l'adoption d'une nouvelle Constitution et de nouvelles élections.

Selon M. Chamisa, le dialogue doit aboutir «dans les deux mois» parce que «la chute libre de l'économie, l'impasse politique et la polarisation de la société sont intenables».

Vendredi, le MDC a reçu l'appui de l'Union européenne qui a souhaité «la tenue rapide d'une nouvelle consultation libre, démocratique et transparente du peuple zimbabwéen».

À New York, les Etats-Unis ont déposé formellement jeudi au Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution qui prévoit un embargo sur les armes à destination du Zimbabwe et des sanctions personnelles contre douze de ses ressortissants, dont Robert Mugabe.

En Afrique, Abuja a exprimé son «vif mécontentement», le chef de la diplomatie nigériane Ojo Maduekwe affirmant qu'une «paix durable ne peut être obtenue (...) que si le pays revient au statu quo ante qui prévalait avant ce second tour» du 27 juin.

Le Botswana a de nouveau demandé que le Zimbabwe soit expulsé de l'UA et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC).

Mais les chances de voir la région suivre ce conseil sont très minces, d'autant que le président zambien Levy Mwanawasa, un critique virulent de Robert Mugabe, ne peut l'appuyer. Victime d'une attaque cérébrale, il se trouvait toujours vendredi dans un hôpital français.

Et si la Fédération internationale de cricket (ICC) s'est profondément divisée sur une suspension du Zimbabwe, elle a finalement décidé de conserver le pays comme membre à part entière.