À sa deuxième journée de liberté après six ans et demi dans les griffes de ses geôliers des FARC, Ingrid Betancourt ne pouvait cacher sa joie débordante hier. Aux médias, elle a dit qu'elle voulait embrasser Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, les deux présidents français qui ont demandé sa libération. Mais c'est surtout à ses deux enfants, Mélanie et Lorenzo, qu'elle a réservé ses accolades et son affection. Notre collaborateur a assisté aux touchantes retrouvailles familiales près de Bogota.

Elle est d'abord montée à bord de l'avion présidentiel français. À l'abri des caméras et des flashs, c'est là qu'Ingrid Betancourt a retrouvé au calme Mélanie et Lorenzo, ses deux enfants impatients, et son mari Juan Carlos Lecompte. Pour la première fois après six ans et demi d'attente.

Et la voilà qui descend de l'appareil, vêtue d'un élégant tailleur noir. Ses enfants, tout juste arrivés de France, se tiennent la main, sans la quitter une seconde des yeux. Ce fut une «orgie de baisers», «le nirvana», confesse l'ex-otage sur le tarmac de l'aéroport militaire de Catam, à 30 minutes de Bogota.

De nouveau, cette fois-ci devant les journalistes rassemblés pour assister à ce moment chargé d'émotions, ses enfants l'embrassent, Lorenzo sur la joue gauche, Mélanie, sur la droite. Ils l'entourent pour cette première conférence de presse improvisée «en famille». «Je vais être comme un chewing-gum pour mes enfants dans les prochains jours, collée à eux. Ils pourront m'enlacer, me mastiquer à volonté», rigole, en espagnol, l'ancienne candidate à la présidence colombienne. «Je suis dans un état second, merveilleux, c'est un miracle.»

Durant ses 2321 jours de captivité, elle a écouté plusieurs fois les témoignages de ses proches à la radio colombienne Caracol. Histoire de garder le moral, malgré des conditions de détention déplorables. Son geôlier, «Cesar», un des chefs de la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes) la maltraitait, raconte-t-elle.

Désormais, Ingrid Betancourt laisse exploser sa joie. «Je remercie Dieu de vivre ce moment. Ce sont mes tout-petits, ma fierté, ma raison de vivre, ma lumière, ma lune, mes étoiles, pour eux j'ai eu envie de sortir de la jungle, afin de les revoir. Je suis très fière d'eux, qui ont lutté seuls et livré une bataille merveilleuse.»

Elle est rayonnante, agrippée à ses enfants. «Cela fait six ans et demi que j'attends ce moment», répète inlassablement Lorenzo, veste beige, chemise noire et jean bleu. Sa soeur, Mélanie, du haut de ses 22 ans, assure: «Maintenant que nous vivons ce bonheur, nous voulons en profiter et poursuivre la lutte pour la liberté des autres otages» des FARC.

La famille Betancourt a ensuite filé vers la capitale colombienne, Bogota, dans une jeep aux vitres teintées. Un horaire surchargé attendait Ingrid Betancourt. Elle devait rencontrer le président Alvaro Uribe, son ancien adversaire lors de la campagne présidentielle de 2002. Il s'agissait de le remercier une nouvelle fois personnellement pour sa libération. «Ce que vous avez fait est une opération incroyable, parfaite. Je vous remercie du fond du coeur», avait-elle déjà dit, mercredi, au chef de l'État colombien.

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Attendue en France

Ingrid Betancourt devait aussi se rendre au cimetière où se trouve la tombe de son père, Gabriel Betancourt, ancien ministre de l'Éducation. Il est mort, le 23 mars 2002, moins d'un mois après la capture d'Ingrid Betancourt par les FARC.

En route vers Bogota, la Franco-Colombienne a accordé sa première entrevue personnelle à la radio colombienne Caracol, qui l'a soutenue durant toute sa captivité. Déjà, la femme politique semble reprendre du poil de la bête. Elle appelle «le président vénézuélien Chavez et le président équatorien Correa (...) à rétablir les liens d'amitié, de fraternité, de confiance avec le président Uribe». Sérieuse, elle insiste: «Il faut qu'ils nous aident en bonne intelligence à la libération des otages et non en renforçant la guerre en Colombie (...), obligeant les FARC à abandonner le terrorisme, à emprunter la voie de la négociation».

Après ses deux premiers jours de liberté en Colombie, Ingrid Betancourt est montée à nouveau à bord d'un avion avec sa famille hier soir pour rejoindre la France. Elle sera reçue aujourd'hui par le président Nicolas Sarkozy, sur la base aérienne militaire de Villacoublay. Elle projette d'aller ensuite décrocher elle-même sa photo, qui est accrochée sur le parvis de l'hôtel de ville de Paris. Peu avant de quitter la Colombie hier, elle a confié: «C'est une histoire incroyable avec une fin heureuse. Je veux revenir en France pour remercier tous les Français et partager ce moment de bonheur avec eux.»