Le plus «international» des acteurs français est de passage à Montréal afin de soutenir la sortie prochaine de L'immortel, un film dans lequel il trouve l'un de ses plus grands rôles.

Dans L'immortel, le nouveau film de Richard Berry, Jean Reno incarne un personnage de caïd rattrapé par son passé, même s'il avait décidé de se ranger depuis quelques années en menant une petite vie tranquille auprès des siens. Ce film ambitieux, aussi humain que violent, n'arrive pas par hasard dans la vie du plus «international» des acteurs français.

«J'avais dit à Richard que s'il trouvait une histoire de rédemption qui aborde aussi le sujet du paradoxe humain, j'aimerais tourner un film avec lui», a raconté hier l'acteur au cours d'une interview accordée à La Presse.

Richard Berry (Moi César 10 ans et 1/2) et Jean Reno sont des amis dans la vie. Les deux hommes se sont connus dans les années 80 alors qu'ils partageaient la scène d'un théâtre à Lyon dans une production d'Andromaque.

«L'immortel marque notre première rencontre acteur-cinéaste, explique le célèbre interprète de Léon. Mêler amitié et travail peut être une lame à double tranchant parce que le rapport affectif entre alors aussi en jeu. Cela dit, j'ai beaucoup de mal à travailler avec des réalisateurs très dirigistes et froids. Cela se détecte au premier regard, à la première rencontre. On n'a qu'une vie à vivre. Et on ne peut pas embrasser tout le monde sur la bouche!»

Une trahison

Inspiré d'un fait divers survenu en France dans les années 70, L'immortel relate le parcours d'un ancien hors la loi survivant à une attaque dans un parking au cours de laquelle il est atteint de 22 projectiles. L'homme est une espèce de miraculé dont les blessures de l'âme ne guériront pourtant jamais, la peine d'amitié découlant de cette trahison étant encore plus difficile à cicatriser.

«C'est au moment où fut publié l'ouvrage de Franz-Olivier Giesbert sur l'affaire Jacky Imbert, l'homme qui a véritablement survécu aux 22 projectiles, que Richard a eu l'idée de ce film, souligne Jean Reno. Mais il n'a gardé que l'anecdote pour construire une histoire de fiction autour.»

La presse française a salué la performance de l'acteur, qui impose ici une présence en apparence indestructible, une autorité naturelle qui se fond à merveille avec celle du personnage, tout autant qu'une vulnérabilité empreinte d'un profond humanisme. Plusieurs observateurs rangent d'ailleurs cette performance parmi les meilleures de l'acteur au cinéma.

«Je ne sais pas, dit-il un peu gêné. J'ai beaucoup de mal à m'autosatisfaire de mon travail. J'aborde tous mes rôles avec la même intensité. Oui, ce film me tient beaucoup à coeur, notamment pour des raisons d'ordre affectif, mais il y a aussi dans ma carrière des petits rôles qui sont passés inaperçus, et que j'aime pourtant beaucoup. Je crois qu'il vaut mieux ne pas trop s'impliquer émotionnellement avec ce genre de choses une fois que le film existe. Demain il fera jour, quoi qu'il advienne.»

Gérer le succès

N'ayant jamais eu de «plan de carrière» («je choisis mes projets à l'instinct», dit-il), Jean Reno avait déjà une dizaine d'années d'expérience quand le succès du Grand bleu a changé sa vie.

«Il est impossible d'imaginer ce qu'est le succès tant qu'on ne le vit pas, fait-il remarquer. Je n'ai pas choisi ce métier pour être connu au départ, mais pour travailler, avoir des rôles. Vouloir accéder au vedettariat seulement pour être connu comme le font les candidats des téléréalités, c'est stérile. Un succès populaire comme Le grand bleu, ça déstabilise. Toute ta vie en frémit, y compris ta vie privée. C'est un traumatisme certain. Tu restes la même personne mais le regard que porte les autres sur toi n'est plus du tout le même. On se relève de ça comme on peut. J'ai eu la chance de ne pas tomber dans l'abus de substances ou de liquides!»

Le succès des films de Luc Besson (il y a aussi eu Léon/The Professional) lui a toutefois ouvert les portes du cinéma hollywoodien. Encore là, l'acteur s'est montré prudent.

«Je ne connaissais personne à Los Angeles. Je me suis adapté assez facilement car j'ai pu tisser des liens d'amitié là-bas. Cela dit, il a fallu apprendre à dire non. On n'offre que des rôles de méchants aux étrangers. La rencontre avec Steve Martin fut déterminante. On s'est amusés de tout cela dans The Pink Panther. Oui, je carbure à l'affection!»

Sur scène

Jean Reno, jeune soixantaine radieuse, s'apprête par ailleurs à monter sur scène - probablement l'an prochain - à la faveur d'un one man show.

«L'écriture du spectacle est pratiquement terminée, annonce-t-il. Il s'intitule De Casablanca à Hollywood. J'y parlerai tout simplement de ma vie.»

La matière est riche et les talents de raconteur du comédien indéniables. Dans ces circonstances, on peut espérer un beau show.

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L'immortel prend l'affiche le 8 octobre.