Le cinéaste Sean Durkin est né au Canada. Son lutteur professionnel préféré est l’Albertain Bret Hart. À l’instar de la famille Von Erich, dont il raconte l’histoire dans The Iron Claw, la famille Hart a été victime de nombreuses tragédies. Alors, pourquoi a-t-il choisi les Von Erich comme sujet de son film ?

« Je me souviens d’avoir lu un article sur la mort de Kerry [incarné par Jeremy Allen White] dans ma jeunesse. Je me rappelle précisément ce moment, qui m’a profondément affecté. Le frère de mon père nous avait quittés peu de temps avant et je faisais un parallèle entre ma famille et les Von Erich. C’est toujours resté dans mon subconscient, raconte le réalisateur en entrevue virtuelle. Le monde de la lutte est fascinant et cette famille me permettait d’explorer des thèmes que j’affectionne telles la masculinité et la répression des émotions. C’est une tragédie grecque, en quelque sorte, dans laquelle il y a en plus une notion de malédiction. »

PHOTO BRIAN ROEDEL, FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Zac Efron, qui joue Kevin Von Erich, et le réalisateur Sean Durkin

Sean Durkin ne croit pas en la malédiction, mais conçoit qu’une personne puisse douter d’en être victime lorsque le malheur ne cesse de s’abattre sur elle. « C’est très humain et naturel », estime-t-il.

Dans le cas des Von Erich, il est facile de comprendre pourquoi certains d’entre eux pensaient que leur nom était maudit : cinq des six enfants sont morts avant leurs parents.

La poigne de Fritz

Dans les années 1950 et 1960, le père, Fritz (Holt McCallany), était un lutteur « méchant » (heel). C’est d’ailleurs le légendaire Stu Hart, père de Bret et Owen, qui l’a initié à la discipline alors que Fritz tentait de poursuivre une carrière dans la Ligue canadienne de football. Son personnage dans le ring a connu beaucoup de succès, mais il n’a jamais obtenu la ceinture de champion tant convoitée. Ses fils ont vécu avec la pression de réaliser son rêve inachevé dès leur enfance.

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Maura Tierney, Holt McCallany, Stanley Simons, Zac Efron et Harris Dickinson incarnent respectivement Doris, Fritz, Mike, Kevin et David Von Erich.

Le titre, The Iron Claw (La griffe de fer, en français), s’est imposé tôt dans le processus créatif de Sean Durkin. C’était le nom de la prise que Fritz utilisait pour faire abdiquer ses adversaires : il empoignait leur crâne avec une telle force qu’ils étaient contraints d’abandonner. « The Iron Claw représente aussi la poigne de cette masculinité d’une autre époque qui a écrasé ces garçons. Le titre possède également un élément mythique et une touche d’horreur qui m’a permis d’effleurer le genre », indique celui qui a aussi écrit le scénario.

De la « vraie lutte »

Le physique des comédiens de The Iron Claw, en particulier celui de Zac Efron, qui incarne l’aîné Kevin, est impressionnant. Sean Durkin n’a pas exigé de ses acteurs qu’ils développent leur musculature, mais il tenait à ce qu’ils luttent réellement, des matchs entiers.

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Jeremy Allen White (Kerry), Harris Dickinson (David), Michael Harney (Bill Mercer) et Zac Efron (Kevin)

Ainsi, Chavo Guerrero Jr., qui a connu une longue carrière dans la WCW et la WWE, a été embauché comme consultant. Le neveu du regretté Eddie Guerrero joue également The Sheik dans une scène.

Dans la lutte, il existe cet accord mutuel qui commande que chacun doive prendre soin de l’autre du moment qu’on entre dans le ring. Nous avons respecté ce principe pour le tournage et notre environnement était très sécuritaire, mais après sept, huit prises à se lancer au tapis, il est possible d’avoir des maux de tête. On alternait donc entre les scènes de lutte et le reste.

Sean Durkin

En discutant de l’équilibre requis pour le tournage de son film, le réalisateur évoque celui presque impossible du lutteur professionnel. « Ils sont constamment sur la route et il n’y a pas de saison morte ou de pause. Je crois qu’ils ont plus de soutien aujourd’hui, mais à l’époque, ils allaient à fond de train jusqu’à ce qu’ils cassent. Et leur santé mentale n’était jamais considérée. En fait, toute émotion qui n’était pas assez virile était réprimée. La pression physique et psychologique combinée au vide qui suit les évènements importants et les acclamations font que l’équilibre dans leur vie me semble très difficile à atteindre. »

Les femmes derrière les guerriers

Alors que ses deux films précédents, Martha Marcy May Marlene et The Nest, mettent respectivement en vedette Elizabeth Olsen et Carrie Coon, The Iron Claw est de prime abord une histoire d’hommes. Maura Tierney (la mère du clan) et Lily James (la femme de Kevin) y tiennent tout de même des rôles cruciaux. En particulier cette dernière, estime-t-il.

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Lily James et Zac Efron forment un couple dans The Iron Claw.

« Pam est, de plusieurs façons, le cœur du film. Elle permet à Kevin de connaître autre chose que sa famille. Elle lui apprend aussi à s’affirmer, car elle est très directe et dit ce qu’elle pense. Sa force intérieure et sa confiance libèrent Kevin. »

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