(New York) Le film Killers of the Flower Moon, présenté en avant-première mercredi soir à New York, et qui raconte des meurtres d’Amérindiens il y a 100 ans aux États-Unis, est une histoire « millénaire » et universelle « d’affrontement des cultures », a déclaré à l’AFP la légende mondiale du cinéma Martin Scorsese.

Lors d’une soirée sur le tapis rouge du Lincoln Center de Manhattan, l’écrivain américain David Grann, dont le livre éponyme a été adapté par Scorsese, a jugé aussi auprès de l’AFP que Killers of the Flower Moon dénonçait les « crimes génocidaires » d’Amérindiens par des blancs américains au début du 20e siècle.

Présentée hors compétition au Festival de Cannes en mai, cette fresque de 3 h 26, qui a coûté 200 millions de dollars, avec Robert De Niro et Leonardo DiCaprio, sortira dans les salles nord-américaines le 20 octobre, avant d’être disponible sur la plateforme Apple TV+.

Tribu Osage riche de pétrole

GPHOTO ANGELA WEISS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chef principal de la nation Osage, Geoffrey Standing Bear, dénonce le fait que « le peuple Osage mais aussi les peuples “natifs” ont la vie très dure depuis 500 ans ».

Killers of the Flower Moon raconte l’histoire vraie de meurtres et disparitions, au début des années 1920, de membres de la tribu Osage rendue richissime par le pétrole sur ses terres de l’Oklahoma, dans le centre des États-Unis.

Leonardo DiCaprio joue Ernest Burkhart, un homme amoureux d’une Amérindienne (l’actrice Lily Gladstone), qui se retrouve embarqué dans un complot ourdi par le magnat du bétail William Hale, incarné par De Niro avide de pétrole. Un agent du FBI, joué par Jesse Plemons, est chargé d’élucider les meurtres.

« Il s’agit d’un affrontement des cultures, d’une incompréhension mutuelle, du sentiment que tout est dû », a commenté auprès de l’AFP Martin Scorsese.

Mais la mégastar new-yorkaise d’origine italienne de 80 ans, qui se définit comme « euro-américain », estime que « les Américains là-bas (dans l’Oklahoma) étaient avant tout des Européens ».

La violence et les crimes mis en scène « peuvent se dérouler aujourd’hui et n’importe où dans le monde. C’est une histoire qui se répercute à travers les millénaires », analyse Scorsese, qui a tourné dans les prairies de l’Oklahoma, avec une quarantaine d’Amérindiens Osage à la distribution.

PHOTO APPLE TV+/ASSOCIATED PRESS

Lily Gladstone et Leonardo DiCaprio dans une scène de Killers of the Flower Moon

David Grann, journaliste et écrivain de la revue culturelle The New Yorker, va plus loin ; pour lui, son livre de 2017 Killers of the Flower Moon (La note américaine en français) et le film de Scorsese narrent « l’histoire d’un des crimes les plus monstrueux et des injustices raciales perpétrés par des colons blancs contre des Amérindiens pour l’argent du pétrole ».

Lorsque « l’appât du gain se mêle à la déshumanisation d’un autre peuple, cela conduit à ces crimes génocidaires », fustige l’intellectuel.

Grann pense aussi que l’histoire et le sort dramatiques de la tribu Osage, et de nombre d’Amérindiens aux États-Unis, ont été « largement effacés de (la) conscience » collective américaine.

« Cela n’était enseigné dans aucun de mes manuels scolaires, je ne l’ai jamais appris », déplore M. Grann.

À ses côtés sur le tapis rouge, le chef principal de la nation Osage, Geoffrey Standing Bear, dénonce également le fait que « le peuple Osage mais aussi les peuples “natifs” ont la vie très dure depuis 500 ans ».

« Et ce film nous montre que cela continue », souffle le dirigeant amérindien.

Les États-Unis comptent officiellement 6,8 millions d’Américains « natifs » ou « autochtones » – 2 % de la population – et le pays multiculturel doit célébrer le 10 octobre le Jour national des peuples indigènes, une fête décrétée en 2021 par le président démocrate Joe Biden.