Ses grandes jambes arquées plantées devant le micro au beau milieu de la grande scène de la place des Festivals, on aurait pu prendre Thomas Fersen pour un rocker. Un drôle de rocker qui aurait troqué sa guitare électrique pour un ukulélé et ses trois accords pour une musique plus proche du folklore.

Le Français est un drôle de pistolet qui, quelles que soient les couleurs musicales qu'il choisit pour son spectacle, finit toujours par imposer son univers sans faire de compromis. À force d'humour, de bagout, de phrases bien tournées. Et de charme. Avec lui, les reptiles, les chiens, les moucherons, les lions et autres Chat botté côtoient des assassins, des prisonniers, des sorcières ou des amputés dans des fables modernes très drôles que le public prend plaisir à chanter.

Trois rappels et demi

Le spectacle qu'il a donné hier sur la place des Festivals, Thomas Fersen aurait pu le faire dans une petite boîte qu'il n'aurait pas été très différent. Devant un public de dévots ou une mer de monde, l'artiste procède de la même manière: il impose son rythme, son ton et joue avec la foule jusqu'à ce que sa conquête soit consommée et qu'on lui réclame trois rappels et demi.

Ce fut une soirée parfaite. Dès la toute première chanson, Chocolat, Fersen a tenu promesse en laissant toute la place à l'accordéon d'Alexandre Barcelona. Il a enchaîné avec Croque, Germaine, Punaise et La malle avant de nous raconter Les malheurs du lion avec pour tout accompagnement la guitare de Pierre Sangra. «Vous connaissez la fin», qu'il a dit en faisant mine de quitter la scène pour mieux revenir nous la raconter: «Vous êtes comme des enfants, alors...»

Fred Fortin

Puis il a appelé à la barre maître Fred Fortin dont la basse a donné un peu plus de muscle à sa musique, permettant à l'accordéoniste de s'éclater dans un solo. C'était Pégase. Puis La chauve-souris, que les gens ont dansée, chantée et acclamée.

Fersen nous a dit un texte écrit en venant à Montréal, son Hotel California bien à lui, avec un renard empaillé et une souricière, qui annonçait une très belle nouvelle chanson sur Billy the Kid. Plus la soirée avançait, plus la foule mangeait dans sa main. Elle l'a applaudi quand il a fait ses steppettes au milieu de Je n'ai pas la gale et a rendu les armes pendant Saint-Jean-du-doigt. Les rappels se sont enchaînés (Zaza, Deux pieds) et, sans avertissement, c'est devenu plus rock avec Diane de Poitiers, sous l'impulsion de la guitare de Sangra, du piano rockabilly de Barcelona et de la basse sourde de Fortin. Après une Pièce montée des grands jours délicieusement rock-reggae, Fersen a fait mine de s'éclipser une dernière fois puis est revenu nous faire seul au piano une chanson un peu bouffonne sur un vieux qui en a «marre des vioques» et qui jouit.

Après 100 minutes de musique, il a finalement laissé ce public qui ne voulait plus le laisser partir avec le plus beau des cadeaux: un sourire.