Le marché boursier terminera l’année 2023 au rouge, selon le prévisionniste François Trahan. Il n’y a aucune chance d’éviter une récession, selon lui. Il croit même que l’indice S&P 500 risque de chuter de 35 % d’ici 18 mois.

« À son creux, l’indice S&P 500 descendra autour des 2800 points », lance François Trahan au cours d’un entretien avec La Presse. Cet indice phare se situe actuellement à 4275 points.

François Trahan est de passage à Montréal cette semaine. Il est venu de la Virginie, où il habite maintenant, pour rencontrer des clients et pour participer ce jeudi midi à un évènement organisé par l’organisme CFA Montréal au centre-ville.

Admis au Temple de la renommée des investisseurs institutionnels à titre de stratège en 2016, François Trahan avait notamment prévu en 2007 la fin de la bulle spéculative immobilière.

« On a tout pour avoir une récession sévère, affirme-t-il. Je ne sais pas s’il y aura une crise financière, mais le risque est très élevé à un moment où les investisseurs ne croient plus à cela. L’histoire ne fait que commencer. Le pire est devant nous. »

Le stratège de 54 ans explique que le creux d’une récession survient deux ans après le point le plus haut atteint par les taux d’intérêt.

Vers un creux en 2025

« Si les taux ont atteint leur sommet, l’économie sera au pire au troisième trimestre de 2025. Pour les indices précurseurs, comme la Bourse, c’est 18 mois après le sommet des taux d’intérêt, donc six mois avant le creux d’une récession. Si on suppose que les taux sont présentement à leur plus haut niveau, le creux en Bourse sera donc atteint en mars 2025. »

François Trahan s’attend à une détérioration des indices précurseurs au cours des trois prochains mois et à ce que le marché boursier termine 2023 en affichant un recul pour l’année malgré les gains enregistrés jusqu’ici depuis le 1er janvier.

La firme de données financières FactSet rapportait vendredi dernier que les analystes de Wall Street s’attendent à ce que l’indice S&P 500 progresse de 19 % au cours des 12 prochains mois. FactSet obtient ce chiffre en agrégeant les cours cibles des analystes pour l’ensemble des entreprises contenues dans l’indice.

« Autour de moi, les opinions ont beaucoup changé depuis l’automne dernier », dit François Trahan.

« Si auparavant une majorité de mes clients croyaient à une récession, une majorité d’entre eux croient aujourd’hui à un ralentissement et estiment qu’on est sur le point d’en sortir. Ils croient à l’histoire poussée par la Fed d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine. »

« Ce qui s’en vient va surprendre beaucoup de gens »

La thèse d’un atterrissage en douceur semble effectivement encore tenir la route au sud de la frontière. La résilience observée est le reflet d’un consommateur américain qui continue de dépenser même si son moral est affecté. Si les indices de confiance demeurent bas, les statistiques de consommation continuent de défier le sentiment parce que le marché de l’emploi tient bon.

« Ce qui s’en vient va surprendre beaucoup de gens et les économistes de Wall Street seront exposés au cours de la prochaine année, eux qui prônent aujourd’hui presque tous un atterrissage en douceur », dit François Trahan en prenant soin de peser ses mots.

« Environ 55 % des économistes ne peuvent pas identifier une récession qui est à six mois de débuter. Beaucoup ne peuvent le faire même lorsque la récession est commencée », ajoute celui qui est aujourd’hui à son compte après avoir lancé la firme Trahan Macro Research.

« Les économies de consommation sont sensibles aux changements de taux d’intérêt. Avec 68 % de son PIB qui vient de la consommation, c’est l’économie américaine qui répond le plus à un changement de taux d’intérêt », dit-il.

La partie que les gens ont le plus de difficulté à comprendre est le délai ou l’espace-temps entre le changement de taux d’intérêt et son impact sur l’activité économique.

François Trahan

« Les taux ont commencé à monter au début de 2022, alors la récession a toujours été une question de 2024. Au troisième trimestre de 2025, l’économie sera encore dans le pétrin. Quand les taux commenceront à descendre de façon soutenue, on pourra commencer à parler d’une reprise éventuelle. L’impact économique de ce que la Fed vient de faire est devant nous. C’est vraiment l’histoire de 2024 et 2025. »

Il ne faut pas trop, selon lui, se formaliser des poussées boursières des indices dans le marché actuel. « On va avoir d’autres bear market rallies où les gens penseront que la reprise est arrivée. Dans un bear market typique, il y en a trois. »

François Trahan avait fait jaser en novembre dernier en disant sur le plateau d’une émission d’affaires publiques à TVA qu’il anticipait une situation « apocalyptique » pour les années 2023 et 2024.

Une « apocalypse économique » se traduit à son avis par un taux de chômage qui monte et « probablement » une crise financière. « Peut-être plus qu’une », précise-t-il.