(Calgary) Des experts disent que la flambée des prix du blé lundi est le résultat du retrait de la Russie de l’accord sur les céréales de la mer Noire négocié par l’ONU au cours du week-end.

Les prix du blé ont bondi de près de 6 % lundi matin à l’annonce que la Russie rétablirait un blocus empêchant les expéditions de grains de quitter les ports ukrainiens.

Cette décision a intensifié les craintes concernant la sécurité alimentaire mondiale.

L’accord sur les céréales a permis le transport en toute sécurité de plus de neuf millions de tonnes de céréales dans 397 navires à partir des ports ukrainiens malgré la guerre dans ce pays.

Il a également fait baisser les prix alimentaires mondiaux d’environ 15 % par rapport à leur sommet de mars, selon l’ONU, et le secrétaire général de l’ONU a exhorté la Russie et l’Ukraine à renouveler l’accord lorsqu’il expirera le 19 novembre.

Cependant, des experts soulignent qu’il est trop tôt pour savoir si la flambée des prix est une réaction à court terme ou le début d’une augmentation plus longue et plus soutenue des prix du blé.

« Il est certain que la perspective de voir davantage de perturbations dans l’approvisionnement en céréales et en graines oléagineuses en provenance d’Ukraine exerce immédiatement une légère pression sur les prix », a déclaré J. P. Gervais, vice-président et économiste agricole en chef à Financement agricole Canada.

« Et si les marchés ont le sentiment que cela va être un problème à moyen et à long terme, nous pourrions voir les prix remonter. Mais je pense qu’il est un peu trop tôt pour le dire. »

À la fin du mois d’octobre, les prix du blé avaient baissé de près de 30 % par rapport aux sommets historiques atteints au printemps. À cette époque, on craignait que la guerre puisse empêcher le grain de sortir de la région d’exportation critique qu’est l’Ukraine, a déclaré Jon Driedger de LeftField Commodity Research, qui fournit des analyses de marché pour les céréales, les oléagineux, les légumineuses et d’autres cultures spéciales du Canada.

« C’est ainsi que les marchés ont initialement réagi et que les prix ont baissé à mesure que les céréales commençaient à sortir, a déclaré M. Driedger. Alors maintenant, comme on peut s’y attendre, nous voyons les prix du blé considérablement augmenter à nouveau ici en début de semaine. Il s’agit d’une première réaction à ce qui pourrait être une diminution des mouvements de céréales en provenance d’Ukraine. »

Cependant, M. Driedger a souligné qu’il y avait encore beaucoup d’incertitude quant à la signification réelle du dernier développement.

Lundi, l’Ukraine a déclaré qu’une douzaine de navires avaient réussi à mettre les voiles malgré tout, dont un transportant du blé vers l’Éthiopie qui est frappée par la sécheresse.

Les agriculteurs canadiens – qui ont bénéficié de rendements agricoles nettement plus élevés cette saison que lors des récoltes en 2021 – devraient tirer un certain avantage de cette flambée actuelle des prix, a déclaré M. Driedger. Même si les prix ont reculé par rapport à leurs sommets du printemps, ils restent élevés par rapport aux moyennes historiques, a-t-il expliqué.

Il a toutefois fait remarquer que les agriculteurs ne récoltent en aucun cas des bénéfices exceptionnels cette année. Si les prix des produits de base sont élevés, l’inflation économique signifie que les coûts des intrants agricoles ont également grimpé en flèche.

« Les agriculteurs en ont certainement profité, mais il ne fait aucun doute que leur coût de fonctionnement est beaucoup plus élevé qu’il ne l’a été, a indiqué M. Driedger. Les prix du carburant, les engrais, le coût des machines — toutes ces choses sont également élevées. »

Lundi, les actions du géant des engrais Nutrien, basé à Saskatoon, ont clôturé à 115,11 $, en hausse de 2,69 % — un mouvement boursier qui était également probablement directement lié au retrait de la Russie de l’accord sur les céréales, a déclaré dans un courriel l’analyste de la société de services financiers Edward Jones, Matt Arnold.

« Il est trop tôt pour savoir si le retrait aura un impact sur les marchés des engrais, mais il est juste de dire que cette nouvelle augmente le risque d’une baisse de l’offre mondiale d’engrais, a soutenu Arnold. Cela n’augmente certainement pas la probabilité d’une offre plus importante. »

Nutrien, qui est le plus grand producteur d’engrais de l’année, a réalisé un bénéfice record de 5 milliards de dollars américains au cours du premier semestre de cette année, alors que la guerre en Ukraine a déstabilisé les marchés agricoles.

La société devrait publier ses résultats du troisième trimestre mercredi, après la fermeture des marchés.