(Toronto et New York) Les actions ont chuté jeudi, les investisseurs se concentrant de nouveau sur la menace d’une inflation galopante et sur les difficultés économiques qui résulteront d’une hausse des taux d’intérêt à des niveaux jamais vus depuis plus de 10 ans, reprenant ainsi un mouvement de baisse qui a déjà entraîné Wall Street dans un marché baissier.

Le S&P 500 a chuté de 3,3 %, s’inscrivant dans un mouvement de repli mondial qui a également vu les actions européennes afficher de fortes baisses. Avec la baisse de jeudi, le S&P 500 est maintenant près de 24 % en dessous de son sommet du 3 janvier et sur le point d’enregistrer son pire trimestre depuis 2008, lorsque l’économie a été dévastée par une crise financière mondiale.

L’indice européen Stoxx 600 a chuté de 2,5 %, sa septième baisse en huit jours, et il en va de même pour le FTSE 100, à Londres, qui a perdu 3,1 %.

La chute de jeudi est survenue au lendemain de l’annonce par la Réserve fédérale (Fed) de sa plus forte hausse de taux depuis des décennies, signe qu’elle est prête à infliger une certaine douleur économique pour maîtriser l’inflation, les autres banques centrales lui emboîtant le pas. La Banque d’Angleterre a annoncé jeudi sa cinquième hausse consécutive des taux d’intérêt, et la banque centrale suisse a relevé son taux d’intérêt pour la première fois en 15 ans, une mesure plus agressive que ce que beaucoup attendaient.

Les banques centrales augmentent les coûts d’emprunt pour décourager les dépenses, qu’il s’agisse de nouvelles maisons ou de prêts automobiles, mais cette mesure ralentit également la croissance économique et menace les bénéfices des entreprises.

Les taux d’intérêt augmentent rapidement parallèlement au taux directeur de la Fed, qui se situe désormais dans une fourchette de 1,5 % à 1,75 %, alors qu’il était proche de zéro en mars. Les taux hypothécaires moyens ont presque doublé cette année — ils sont passés d’un peu plus de 3 % à environ 5,8 % jeudi. Il s’agit du niveau le plus élevé pour les prêts hypothécaires fixes à 30 ans depuis 2008, selon Freddie Mac.

Les actions des constructeurs de maisons, comme KB Home et Lennar, ont chuté en conséquence. Jeudi, elles étaient en baisse de 8 % et 6,5 % respectivement, des pertes qui les ont fait chuter de plus de 40 % depuis le début de l’année.

Et les rendements des obligations d’État, qui sous-tendent les coûts d’emprunt dans l’ensemble de l’économie, augmentent fortement cette année, puisque la banque centrale relève ses taux. Jeudi, le rendement des bons du Trésor à 10 ans était de 3,2 %, un niveau jamais atteint depuis plus de 10 ans.

La bourse de Toronto également en baisse

L’indice composé S&P/TSX du parquet torontois a effacé 607,50 points, soit plus de 3 %, pour terminer la séance avec 19 004,06 points. Il cumule désormais un recul de 24 % par rapport au début de l’année.

« Pour moi, tout cela est lié à la Réserve fédérale », a estimé Allan Small, analyste chez IA Gestion privée de patrimoine.

Les craintes concernant la hausse du coût des prêts et son effet d’entraînement – à commencer par le marché du logement – pèsent sur une série d’indices. Pendant ce temps, les inquiétudes quant à savoir si les hausses des taux de la banque centrale américaine viendront à bout des problèmes causés, en grande partie, par des facteurs essentiellement indépendants de sa volonté, continuent de s’aggraver, a-t-il souligné.

« En fin de compte, je ne pense pas que le fait que la Fed hausse de façon aussi dynamique fasse quoi que ce soit à l’inflation – du moins pas encore », a estimé M. Small. D’où la morosité encore plus importante au sujet de la stabilité économique.

La reprise pourrait tarder

Selon les analystes, le marché boursier ne devrait pas reprendre pied tant qu’il n’y aura pas de signes clairs d’un début de maîtrise de l’inflation, ce qui soulagerait la pression exercée sur la Fed pour qu’elle relève rapidement ses taux. Les actions se sont brièvement redressées fin mai, mettant fin à une série de sept semaines de pertes, alors que les données semblaient montrer que la hausse des prix à la consommation avait atteint un pic, mais la vente a repris la semaine dernière après qu’un nouveau rapport sur l’indice des prix à la consommation a montré que l’inflation s’était à nouveau accélérée, faisant un bond de 8,6 % en mai par rapport à l’année précédente.

« L’inflation galopante pourrait être un tueur du marché des actions », a déclaré Edward Moya, analyste de marché principal chez OANDA, qui note que l’augmentation des prix de l’alimentation, de l’énergie et du logement est un fardeau pour les entreprises et les consommateurs.

Jerome Powell, président de la Fed, a souligné lors d’une conférence de presse mercredi que provoquer une récession ne faisait pas partie du plan de la banque centrale, mais les économistes sont sceptiques.

Les analystes de la Deutsche Bank, par exemple, ont qualifié la banque centrale de « trop optimiste » en pensant pouvoir dompter l’inflation sans provoquer de récession.

« Ce n’est pas avant qu’il soit clair que les États-Unis ont connu un pic d’inflation que les inquiétudes concernant la trajectoire des hausses de la Fed sont susceptibles de s’atténuer de manière significative », a écrit Jane Foley, stratégiste chez Rabobank, dans un courriel. « Pendant ce temps, le sentiment du marché est susceptible de rester marqué. »

Les révisions des prévisions économiques arrivent rapidement. Les économistes d’IHS Markit, par exemple, disent maintenant que le produit intérieur brut américain a probablement augmenté à un taux annuel de 0,8 % au deuxième trimestre. La semaine dernière encore, ils prévoyaient une croissance de 2,4 %.

Avec La Presse Canadienne

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

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