S'il faut en croire le président de la Banque Royale, le retard qu'accuse le marché boursier canadien par rapport au marché américain pourrait n'être que temporaire.

En effet, selon Gordon Nixon, plus haut dirigeant de la plus grande banque canadienne, les perspectives de l'économie canadienne sont incroyablement positives. C'est ce qu'il expliquait mardi au cours d'une conférence sur le marché immobilier canadien organisée par le réseau d'information Bloomberg.

Plusieurs facteurs militent en faveur de l'économie canadienne, selon lui. D'abord, il ne craint pas l'éclatement d'une bulle immobilière au Canada. Sauf s'il survenait un choc que seule une hausse rapide et importante des taux d'intérêt pourrait causer. Peu d'économistes ne prévoient une telle hausse.

De plus, à une gestion fiscale adéquate s'ajoutent d'abondantes ressources naturelles, un secteur financier solide et un secteur industriel en croissance.

La situation économique dans plusieurs parties du monde semble problématique pour les prochaines années, mais le Canada possède la capacité d'aller à contre-courant, selon M. Nixon.

Depuis le début de l'année, la Bourse américaine telle que mesurée par l'indice S&P 500 est en hausse de 8% alors la Bourse de Toronto est en retrait de 3%. Pire encore. Depuis le creux d'octobre, la Bourse est en hausse de 24% à New York, mais de seulement 5% au Canada.

Alors, comment expliquer ce retard de la Bourse canadienne? D'abord et avant tout, en raison de la baisse des prix des matières premières, rétorquent les économistes. La Bourse canadienne est identifiée aux ressources qui souffrent de la faiblesse des prix. Aux États-Unis, les données économiques ont été meilleures que prévu, dopées qu'elles étaient par les mesures très accommodantes de la Réserve fédérale, souligne François Dupuis, économiste en chef chez Desjardins.

Le prix du pétrole est maintenant sous la barre des 100$US, mais, pour les producteurs canadiens, la faiblesse du prix est encore beaucoup plus marquée, explique Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. En raison d'une congestion dans les pipelines, ils ne reçoivent guère plus que 80$US actuellement. «Cette situation ternit l'effet de richesse dans l'ouest du pays», dit-il.

Les producteurs d'or, une autre composante importante de la Bourse canadienne, subissent aussi les affres d'une baisse du prix du métal précieux qui est tombé sous la barre de 1600$US hier. Les plus grandes sociétés, telles Barrick et Goldcorp, ont chuté de plus de 25% depuis le mois de mars seulement.

Mais vu de l'oeil d'un banquier, certains autres facteurs sont encourageants. Le volume des prêts hypothécaires demeure à un niveau intéressant. Il y a certes une diminution de la croissance des prêts consentis, mais celle-ci demeure positive, souligne Sébastien Lavoie. «On ne craint pas d'instabilité du côté des banques canadiennes», dit-il.

De plus, les problèmes des dettes souveraines en Europe aident à maintenir bas les taux d'intérêt à long terme an Canada. Les investisseurs qui recherchent les obligations de meilleure qualité se tournent de plus en plus vers le marché canadien où l'on estime le risque moins grand.

À surveiller

Le marché des devises et la croissance économique des pays émergents détermineront les prix des commodités.

Les incertitudes entourant la zone euro se traduisent par une amélioration du dollar américain qui sert de valeur refuge pour les investisseurs. Mais comme les commodités sont libellées en dollars américains, une baisse des prix doit compenser pour la hausse du dollar américain.

Mais la force du dollar américain n'est pas nécessairement durable, explique M. Lavoie. Après l'élection de novembre, l'administration américaine devra s'attaquer au remaniement des finances publiques. L'ampleur de la dette américaine aura alors un effet négatif sur le dollar américain.

La croissance économique des pays émergents jouera aussi un rôle déterminant sur les prix des commodités. À ce chapitre, les perspectives sont incertaines, principalement en ce qui concerne la Chine, dont la croissance est en repli, souligne François Dupuis.

Le Canada pourrait défier les tendances économiques mondiales, selon Gordon Nixon. «Mais attention, car le Canada ne vit quand même pas dans un monde isolé», ajoute François Dupuis.