La place des entreprises québécoises sur le marché boursier canadien s'est tellement rétrécie ces dernières années qu'elle compromet l'émergence d'une nouvelle génération d'entreprises de croissance, selon une étude effectuées par des experts montréalais de deux importantes firmes-conseils.

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Et ce risque survient alors qu'un regain entrepreneurial devient crucial pour l'économie québécoise afin qu'elle ait les moyens de faire face aux gros défis qui s'annoncent sur les plans de la démographie et des finances publiques. Mais aussi, afin d'éviter une marginalisation aux côtés de voisins canadiens et américains qui s'avèrent plus aptes à favoriser l'arrivée en Bourse d'entreprises de croissance.

«Il y a un problème de relève entrepreneuriale au Québec. Et ça se manifeste avec le trop petit nombre d'entreprises de croissance qui s'amènent en Bourse et qui sont d'origine québécoise», a résumé l'instigateur et coauteur de l'étude, Pierre Lortie.

Cet ex-président de la Bourse de Montréal est conseiller d'affaires au cabinet d'avocats Fraser Milner Casgrain (FMC).

Il a réalisé son étude sur l'atrophie de la présence québécoise en Bourse avec le président de FMC à Montréal, Michel Brunet, ainsi que deux associés du cabinet-conseil PricewaterhouseCoopers, Guy LeBlanc et Russel Goodman.

Ils ont rencontré 60 dirigeants d'entreprises et de société financières d'importance au Québec afin d'élucider les raisons de cette atrophie de la présence québécoise en Bourse.

Selon le constat de M. Lortie et ses collègues, les entreprises québécoises ne comptent plus que pour 13% des sociétés inscrites à la Bourse de Toronto et 9% de celles cotées au marché TSX-Croissance.

Par ailleurs, en 2010, seulement 5% des nouvelles inscriptions effectués sur ces deux bourses l'ont été par des entreprises d'origine québécoise.

Pour M. Lortie et ses collègues, ces pourcentages s'avèrent maintenant beaucoup trop faibles par rapport à la part du Québec de l'économie canadienne.

«Si ces écarts étaient de quelques points de pourcentage, il n'y aurait pas de quoi s'en faire. Mais là, les écarts sont de 10 à 15 points de pourcentage. C'est énorme et ça démontre qu'il y a un sérieux déficit au Québec en matière d'entreprises de croissance qui s'amènent en Bourse», a expliqué M. Lortie lors d'un entretien avec La Presse Affaires, hier, après la présentation de l'étude devant le Cercle de la finance international de Montréal.

Quelle explication possible à cette marginalisation boursière du Québec?

Elle se situe à divers niveaux, ont constaté M. Lortie et ses colllègues. Mais surtout, ils déplorent une méconnaissance parmi les entrepreneurs québécois du potentiel de la Bourse pour lever des capitaux de financement de leur projet de croissance.

Par ailleurs, ils constatent un désintérêt des plus grosses firmes de valeurs mobilières au Canada envers les émissions d'actions par des PME en croissance, et qui ne sont pas dans le secteur des ressources naturelles.

«La consolidation financière depuis 10-15 ans fait qu'au Canada, il y a cinq grandes filiales des banques qui accaparent 80% du marché des financement d'entreprises en bourse. Et comme ces firmes ne s'intéressent pas aux PME, il y a un problème pour l'accès des entrepreneurs aux investisseurs boursiers», a expliqué M. Lortie.

Quelle solution propose-t-il, avec ses collègues?

D'abord, mieux informer les entrepreneurs sur les avantages et les inconvénients de la Bourse pour financer leurs projets.

Les groupements d'affaires et d'entreprises devraient intervenir, de même que l'Autorité des marchés financiers (AMF) afin de démystifier le contexte réglementaire de la Bourse du point de vue des dirigeants d'entreprise.

Par ailleurs, pour remplacer un programme fiscal comme le REA qui «ne marche plus», M. Lortie et ses collègues suggèrent l'adoption au Québec d'un congé fiscal sur les gains en capital avec les actions de PME en bourse.

Selon eux, un tel avantage fiscal qui sera gradué selon la durée de la détention des actions favoriserait l'achat d'actions de PME en Bourse, mais aussi leur maintien en portefeuille à plus long terme.