À peine annoncé, le rapprochement des Bourses de Londres et de Toronto a été éclipsé hier par celui des Bourses NYSE Euronext et Deutsche Borse, qui deviendraient dans les faits la plus grande place boursière du monde.

«Ça confirme que notre instinct n'était pas tout à fait mauvais», a commenté hier le président et chef de la direction du London Stock Exchange, Xavier Rolet, après s'être fait voler la vedette sur les marchés financiers.

L'alliance entre NYSE Euronext et Deutsche Borse créera la plus importante Bourse au monde au chapitre des revenus et des profits, mais celle de Londres et de Toronto restera la plus grande pour le nombre d'inscriptions, a insisté M. Rolet au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Londres et Toronto deviendront une place boursière spécialisée dans les mines et les ressources naturelles, qui sont leur principale force et dont le potentiel de croissance est très important.

À Londres, les analystes ont été très critiques sur ce qui est annoncé comme une fusion entre égaux, mais qui est, dans les faits, une prise de contrôle du Groupe TMX par le London Stock Exchange, qui détiendrait 55% de la nouvelle entreprise.

C'est un rapprochement qui arrive trop tard et qui ne donnera pas à la Bourse de Londres un accès au marché américain, ont souligné des analystes.

«Ce n'est pas une grosse nouvelle. Une grosse nouvelle aurait été une alliance avec l'Inde, Singapour ou la Chine», a dit l'un d'eux, Justin Urquhart, cité par la BBC.

À Toronto, par contre, la possibilité que la seule Bourse canadienne passe sous contrôle étranger n'est pas une petite nouvelle, et elle a suscité beaucoup d'émoi.

La transaction a été bien accueillie par les investisseurs, et le titre de TMX a pris plus de 6%, pour finir à 42,85$.

Mais «ce ne sont pas les actionnaires qui décideront si la transaction se fera ou pas», a noté l'analyste Stephen Boland, de GMP Securities. Le gouvernement fédéral et ceux de l'Ontario et du Québec ont en effet le pouvoir de faire dérailler la transaction approuvée à l'unanimité par les conseils d'administration des deux entreprises.

Bien préparés

L'annonce de la fusion des Bourses de Londres et de Toronto survient peu de temps après le rejet par le gouvernement fédéral de la mégatransaction qui aurait vu BHP Billiton prendre le contrôle de PotashCorp, premier producteur mondial de potasse, établi en Saskatchewan.

Même s'il ne s'agit pas de ressources naturelles, le gouvernement fédéral pourrait juger que les marchés boursiers sont un actif stratégique qui ne peut être cédé à des intérêts étrangers, comme dans le cas de PotashCorp.

Inquiets des réactions que l'annonce de leur fusion allait susciter au Canada, les dirigeants des deux entreprises avaient soigneusement planifié l'événement.

Entourés d'une flopée de conseillers et de ce qu'un avocat proche de la transaction a appelé «une armée de consultants post-Potash», Xavier Rollet et le président du Groupe TMX, Thomas Kloet, ont d'abord rencontré les ministres des Finances d'Ottawa, de l'Ontario et du Québec.

Cette rencontre n'a pas permis de connaître les intentions des gouvernements qui ont droit de vie ou de mort sur la transaction, mais elle a signalé aux deux entreprises qu'il n'y aurait pas d'opposition catégorique, selon les informations qu'il a été possible d'obtenir.

Le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, a quand même demandé à l'Autorité des marchés financiers d'organiser des audiences publiques pour permettre aux parties intéressées de se prononcer sur la transaction.

Même s'il signifie une perte de contrôle du Canada sur son marché financier, le regroupement des Bourses de Londres et de Toronto a été présenté hier comme une transaction gagnante pour toutes les parties. Surtout, la transaction apparaît inévitable étant donné la concurrence accrue des nouvelles plates-formes d'échange électronique qui grugent le marché des Bourses conventionnelles.

Le Groupe TMX rapportait d'ailleurs hier des profits inférieurs aux attentes des analystes pour son quatrième trimestre, et des revenus en baisse de 1%.

La Bourse de Londres, dont les actionnaires majoritaires sont des investisseurs de Dubaï et du Qatar, souffre aussi de la concurrence. Son rapprochement avec Toronto lui permettrait de faire des économies de fonctionnement substantielles.

L'entité issue de la fusion, qui n'a pas encore de nom, économiserait 56 millions par année une fois les coûts de la fusion absorbés, dans deux ans.

Deux sièges sociaux

Même si elle veut faire des économies, la nouvelle entité maintiendrait deux sièges sociaux, à Londres et à Toronto, et des bureaux dans les villes de Vancouver, Calgary et Montréal.

Chacune des villes canadiennes conserverait ses spécialités financières actuelles, à savoir le marché des actions pour Toronto, les produits dérivés pour Montréal et les activités liées à l'énergie pour Calgary.

La plus grande partie des revenus de la nouvelle place boursière canado-britannique proviendrait de l'Amérique du Nord (36%), soit plus que du Royaume-Uni (33%).

Les principales sources de revenus seraient le marché des capitaux (27%) et les services d'information (26%). Les produits dérivés, incluant la compensation, ne représenteraient que 5% des revenus de la nouvelle entreprise.