Le président français Emmanuel Macron et son homologue russe Vladimir Poutine se sont montrés directs pour leur premier échange, lundi au château de Versailles, évoquant sans se faire de concession, la Syrie, les droits de l'Homme ou les médias russes.

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«Nous nous sommes tout dit, on partage des désaccords mais au moins, on les a évoqués», a souligné lors d'une conférence de presse conjointe, le nouveau président français qui espère avancer «sur des solutions communes» avec le chef de l'État russe.

Sur le dossier syrien, Emmanuel Macron a tracé une «ligne rouge» en forme d'avertissement au régime de Bachar al-Assad, soutenu par la Russie, sur «toute utilisation d'armes chimiques». Elle fera «l'objet de représailles et d'une riposte immédiate de la part des Français», a déclaré le président français.

En 2013, son prédécesseur, François Hollande avait renoncé en pareilles circonstances à une intervention militaire contre le régime de Damas après le recul américain et britannique.

En même temps, Emmanuel Macron souhaite «renforcer le partenariat avec la Russie» sur la Syrie ainsi que la création d'un «groupe de travail» sur le terrorisme.

«La lutte contre le terrorisme» est la «priorité absolue», a souligné M. Macron.

Le président français a aussi plaidé pour une transition démocratique en Syrie, «mais en préservant un État syrien» et en se disant prêt à «discuter avec l'ensemble des parties», «y compris les représentants de M. Bachar al-Assad» même si la réouverture d'une ambassade de France à Damas n'était «pas une priorité».

Sur le dossier de l'Ukraine, à M. Poutine pour qui les sanctions contre la Russie ne contribuent «aucunement» à régler la crise, le président français a répondu en appelant de ses voeux une «désescalade» de la tension et en évoquant une prochaine discussion au format Normandie, réunissant Russie, Ukraine, France et Allemagne, dans les «prochains jours ou semaines».

La levée des sanctions est liée à l'application par la Russie des accords de Minsk signés en 2015, a rappelé le G7 la semaine dernière en évoquant l'éventualité de nouvelles sanctions.

La conférence de presse a été marquée par la réponse de M. Macron à une journaliste russe qui l'interrogeait sur sa décision d'exclure deux médias en français financés par le Kremlin, Russia Today (RT) et Sputnik, de son quartier général pendant la campagne présidentielle.

«On va se dire les choses: en vérité Russia Today et Sputnik ne se sont pas comportés comme des organes de presse et des journalistes mais comme des organes d'influence, de propagande et de propagande mensongère», a-t-il dit. 

«Contre-vérités infamantes» 

«Quand des organes de presse répandent des contre-vérités infamantes, ce ne sont plus des journalistes, ce sont des organes d'influence», a-t-il asséné au côté de M. Poutine, qui est resté silencieux.

La rédactrice en chef de RT, Margarita Simonyan, a rejeté par la suite ces accusations : «Pas un seul exemple, pas un seul élément de preuve n'ont été présentés à l'appui des accusations selon lesquelles RT a diffusé des calomnies ou des fake news à propos de M. Macron», a-t-elle affirmé dans un communiqué.

En réponse à une question, Vladimir Poutine a de son côté justifié la réception au Kremlin de la candidate du Front national Marine Le Pen, le 24 mars, en pleine campagne. Elle «nous a demandé de l'accueillir, pourquoi aurions-nous dû refuser?», a-t-il déclaré.

M. Macron a par ailleurs affirmé avoir évoqué «très précisément» la question des droits de l'Homme avec M. Poutine.

«Le président Poutine m'a (...) indiqué avoir pris plusieurs initiatives sur le sujet des personnes LGBT, en Tchétchénie, avec des mesures visant à faire la vérité complète sur les activités des autorités locales et (pour) régler les sujets les plus sensibles», a-t-il dit, promettant d'être «constamment vigilant» sur cette question.

Emmanuel Macron avait accueilli Vladimir Poutine au Château de Versailles par une poignée de main appuyée et chaleureuse, dans un décor monarchique et somptueux, avec tapis rouge et gardes républicains.

À l'issue de la conférence de presse, ils ont visité ensemble l'exposition qui a justifié la rencontre, commémorant les 300 ans du voyage du tsar Pierre le Grand 1er à Versailles, et l'établissement de relations diplomatiques entre la France et la Russie, en mai et juin 1717 à Versailles.

Le président russe devait ensuite se rendre seul au nouveau Centre spirituel et culturel orthodoxe russe, avec sa cathédrale aux bulbes dorés située au coeur de Paris.

Il devait l'inaugurer en octobre 2016, mais l'escalade verbale entre Paris et Moscou, provoquée par la campagne militaire du régime syrien et de son allié russe contre la partie rebelle d'Alep, dans le nord de la Syrie, l'avait conduit à annuler ce déplacement.