État d'urgence, menace djihadiste accrue et crainte de cyberattaques après les piratages qui ont perturbé la campagne américaine: à un mois du scrutin du 23 avril et 7 mai, la présidentielle française se prépare sous haute surveillance.

C'est inédit: le scrutin présidentiel, mais aussi les élections législatives des 11 et 18 juin, se dérouleront sous l'état d'urgence, ce régime d'exception décrété au soir des attentats djihadistes qui ont endeuillé Paris le 13 novembre 2015.

Même lors des débuts de la Ve République, marqués par la guerre d'Algérie, jamais scrutin électoral ne fut organisé sous ce régime d'exception -très controversé par les partisans de l'état de droit.

En 2017, l'«intense période électorale (...) accroît encore les risques de passage à l'acte des terroristes», a mis en garde le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux, lors de la cinquième prolongation de l'état d'urgence.

Le débat sécuritaire a été alimenté par les récentes attaques de militaires en patrouille près du Musée du Louvre (10 février) et à l'aéroport d'Orly (18 mars) dans un pays marqué par la vague d'attaques djihadistes qui a fait 238 morts depuis janvier 2015. Et les mesures spéciales en place depuis près de 500 jours ont été prolongées jusqu'au 15 juillet.

Face à la «menace», «nous devons toujours être d'une extrême vigilance», a estimé samedi le président François Hollande après l'attaque d'Orly.

Le risque d'attentat a déjà conduit les pouvoirs publics à renforcer la sécurité des candidats et des réunions électorales.

Les jours de scrutin, un dispositif de sécurisation sera déployé aux abords des bureaux de vote. L'idée est de permettre une intervention rapide des forces de l'ordre, si nécessaire, en cas de danger ou sur demande des présidents des bureaux de vote.

«Fake news» et cybermenaces

Les autorités françaises ont par ailleurs appelé à une mobilisation générale face aux cybermenaces.

L'enjeu? Prévenir les campagnes de désinformation via la diffusion massive de fausses nouvelles - ou «fake news»- et surtout les risques de piratage, du fait des forts soupçons d'ingérence des Russes dans le processus électoral américain, au détriment de la candidate démocrate Hillary Clinton.

«Ce qui a été perpétré aux États-Unis peut l'être de nouveau en France, par les mêmes acteurs ou par d'autres. Maintenant que l'idée a été donnée, les attaquants vont rivaliser d'idées», a prévenu fin janvier le patron de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), Guillaume Poupard.

«La France n'acceptera aucune ingérence dans son processus électoral, pas plus de la Russie que de tout autre État», a pour sa part averti le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault en février.

«Aux États-Unis, c'est la campagne électorale qui a été affectée, pas le scrutin en lui-même», observe Nicolas Arpagian qui dirige le cycle «sécurité numérique» à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (Inhesj). «Le gouvernement français est dans son rôle en faisant de la pédagogie. Il y a un climat général de méfiance».

Mi-février, l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron avait révélé avoir subi près de 4000 attaques informatiques en un mois et dénoncé la diffusion de rumeurs malveillantes dans des médias, y voyant la main du Kremlin, ce que Moscou a fermement démenti. Les révélations de Wikileaks sur les pratiques de piratage et les programmes d'écoute de la CIA ne contribuent pas à la sérénité des débats.

Pour Bruno Le Roux, «la menace est là»: «elle est sur les sites des candidats, je leur ai demandé qu'ils puissent sécuriser leurs sites».

La manipulation de l'opinion, notamment via les réseaux sociaux, par exemple la diffusion massive d'informations, vraies ou fausses, privilégiant ou défavorisant tel ou tel candidat, est également un sujet de préoccupation.

Autre signe de l'inquiétude, la France a emboîté le pas des Pays-Bas, de la Norvège, de l'Allemagne ou de l'Irlande, en annulant le vote électronique des Français de l'étranger pour les prochaines législatives, après deux tests grandeur nature «très insatisfaisants» et des mises en garde de l'Anssi, selon une source proche du quai d'Orsay.