La police française a déjoué un nouvel attentat djihadiste après la découverte d'une voiture chargée de bonbonnes de gaz au coeur de Paris, notamment grâce à l'arrestation d'un commando de femmes dont l'une avait prêté allégeance au groupe État islamique (EI).

Le «commando» de femmes arrêtées jeudi et qui s'apprêtaient à commettre un attentat en France a été «téléguidé» par des djihadistes du groupe État islamique (EI) depuis la Syrie, a annoncé vendredi le procureur de Paris François Molins.

«L'organisation terroriste utilise non seulement des hommes, mais des femmes, de jeunes femmes, qui font connaissance et nouent leur projet de manière virtuelle», a déclaré François Molins vendredi lors d'une conférence de presse, faisant le point sur l'enquête ouverte après la découverte dimanche à Paris d'une voiture chargée de bombonnes de gaz. 

« Un attentat a été déjoué », a déclaré vendredi le président français François Hollande, en marge d'un déplacement à Athènes. « Un groupe a été annihilé, mais il y en a d'autres », a-t-il ajouté, alors que la France est confrontée depuis début 2015 à une série inédite d'attaques djihadistes.

La principale suspecte, Inès Madani, 19 ans, a été interpellée jeudi soir avec deux complices présumées à Boussy-Saint-Antoine, à 25 kilomètres au sud-est de Paris.

Elle est la fille du propriétaire de la voiture trouvée ce week-end au coeur du Paris touristique, près de la cathédrale Notre-Dame, le coffre bourré de bouteilles de gaz.

Blessée par balle lors de l'intervention au cours de laquelle l'une des femmes a poignardé l'un des policiers venus les interpeller, la jeune femme avait prêté allégeance à l'EI, a indiqué une source proche de l'enquête.

Des connexions avec les attaques djihadistes contre un prêtre et des policiers

Des liens existent entre les personnes arrêtées en France jeudi et soupçonnées d'avoir préparé un attentat et de précédentes attaques djihadistes dans le pays, contre un prêtre et un couple de policiers, a déclaré vendredi le procureur de Paris.

L'une des trois femmes arrêtées en banlieue parisienne, âgée de 23 ans, était « l'ancienne promise » du djihadiste qui a égorgé les policiers en juin à Magnanville, près de Paris, puis de l'auteur de l'attaque contre une église normande en juillet, a expliqué François Molins lors d'une conférence de presse. En outre, un jeune homme de 22 ans, interpellé séparement jeudi, est le « frère » d'une personne inculpée et écrouée dans le cadre de l'enquête sur l'attentat de Magnanville.

Âgées de 39, 23 et 19 ans, les trois femmes « radicalisées, fanatisées », « préparaient vraisemblablement de nouvelles actions violentes et de surcroît imminentes », selon le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

Le compagnon d'une des trois suspectes, connu des services de renseignement pour islamisme radical, a lui aussi été arrêté jeudi soir aux Mureaux, dans la banlieue ouest de Paris.

Le frère de cet homme est actuellement détenu pour ses liens avec Larossi Abballa, un djihadiste qui a tué en juin un policier et sa compagne à leur domicile en banlieue parisienne, a-t-on appris de sources proches de l'enquête.

Quatre personnes avaient auparavant été arrêtées dans le centre et le sud de la France. « Il s'agit de deux frères et de leurs compagnes », a précisé à l'AFP une source proche de l'enquête.

M. Cazeneuve a salué « l'action exemplaire » des services d'enquête et de renseignements dans ce qu'il a qualifié de « véritable course contre la montre ».

photo brigade criminelle de paris

Inès Madani était connue des services de police pour des velléités de départ en Syrie.

Nouveau type de menace

Inès Madani était connue des services de police pour des velléités de départ en Syrie. Selon la radio RTL, la jeune femme et ses deux complices présumées voulaient venger la mort du porte-parole et numéro deux de l'EI, Abou Mohammed al-Adnani, surnommé « le ministre des attentats ».

La mort de ce stratège de l'EI, âgé de 39 ans, a été annoncée fin août par le groupe djihadiste. Washington et Moscou se disputent la responsabilité de la frappe qui l'a visé dans le nord de la Syrie.

Un message d'alerte sur un risque d'attentat dans les gares parisiennes et en banlieue avait été envoyé jeudi aux policiers, a souligné une source policière, qui estime que le réseau, activé de l'étranger, préparait un attentat dans la journée.

Les enquêteurs cherchent à savoir de quelles complicités ont bénéficié les trois femmes et à déterminer si leur projet a été inspiré par un de leurs contacts qui pourrait se trouver en Syrie. Leur réseau était « activé de l'étranger », selon une source policière.

Le procureur de la République de Paris, François Molins, doit s'exprimer sur l'affaire à 15 h 30 GMT (11 h 30 à Montréal) lors d'une conférence de presse.

Les policiers sont persuadés que la voiture découverte dans la nuit de samedi à dimanche, chargée de cinq bonbonnes de gaz et de trois bouteilles de gazole, feux de détresse allumés et sans plaque d'immatriculation, devait servir à un attentat, manqué pour une raison encore indéterminée.

Le propriétaire de la voiture, connu pour des faits anciens de prosélytisme islamiste, avait été relâché mardi soir à l'issue de sa garde à vue.

Le patron des services secrets français, Patrick Calvar, avait mis en garde en mai contre le danger de « dépôt d'engins explosifs » dans des lieux rassemblant une foule importante.

Un nouveau type de menace, alors que la France a été frappée par une vague d'attentats meurtriers, notamment le 13 novembre 2015 (130 morts à Paris et Saint-Denis) et le 14 juillet 2016 à Nice (86 morts).

Plusieurs centaines de Français ont rejoint ou ont cherché à rejoindre l'organisation djihadiste et Paris est régulièrement menacé de représailles pour sa participation à la coalition internationale qui la bombarde en Syrie et Irak.

AFP, GEOFFROY VAN DER HASSELT

À l'intérieur de la voiture, les enquêteurs antiterroristes ont retrouvé cinq bonbonnes de gaz et trois bouteilles de diesel, mais sans système de mise à feu.

 Inès Madani connue des enquêteurs belges

BRUXELLES - Le nom d'Inès Madani « apparaît (également) dans un dossier du Parquet fédéral » belge, spécialisé dans les affaires de terrorisme, a affirmé vendredi la télévision belge RTBF.

« Selon nos informations, Inès Madani entretenait des contacts avec des Belges radicalisés issus de la région de Charleroi (sud), des Belges dont le nom se trouvait sur la liste de l'OCAM (l'Organe belge de coordination de l'analyse de la menace) comme des candidats potentiels au départ en Syrie. Certains ont depuis été arrêtés », a expliqué la chaîne publique francophone, sans citer de source.

« Pas question ici chez nous (en Belgique) de projet d'attentat, mais Inès Madani semblait remplir un rôle de recruteuse et de facilitatrice pour ces départs. Elle aurait pu faire profiter les Belges de ses compétences », a assuré la RTBF, en estimant que « les connexions entre les deux pays ne sont, une nouvelle fois, pas étonnantes ».

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts) et du 22 mars à Bruxelles (32 morts), revendiqués par l'organisation État islamique (EI), ont été planifiés et perpétrés par des commandos djihadistes ayant fait de nombreux aller-retour entre la Belgique et la France.

Sollicité par l'AFP, le parquet fédéral a indiqué « ne faire aucun commentaire (sur cette affaire) dans l'intérêt de l'enquête en cours en France ».