Confronté à une fronde sociale de plus en plus dure, le gouvernement français tentait mardi d'endiguer le risque d'une pénurie d'essence qui menace de paralyser le pays à moins de trois semaines du début de l'Euro de football (soccer).

Les forces de l'ordre ont débloqué par la force au petit matin une raffinerie et un dépôt de carburant dans le sud-est, dont les accès étaient occupés depuis la veille par des militants du syndicat contestataire CGT opposés à une réforme du Code du travail jugée trop libérale.

Deux mois et demi après son lancement de cette réforme, la fronde s'est durcie ces derniers jours, avec le blocage de dépôts de carburants et de raffineries orchestrés par les militants de la CGT.

Le conflit prend désormais des allures de bras de fer entre le gouvernement socialiste et la centrale syndicale, historiquement proche du Parti communiste et qui reste le premier syndicat de France.

Le président François Hollande a dénoncé mardi le «blocage» des sites pétroliers comme «une stratégie portée par une minorité».

«Il est hors de question que les Français se retrouvent dans cette situation de pénurie, de blocage, que notre économie soit bloquée», a souligné pour sa part le premier ministre Manuel Valls, en déplacement en Israël.

Pour le chef du gouvernement, le syndicat «CGT est dans une impasse», «prend en otage» le pays, mais «trouvera une réponse extrêmement ferme». Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, en revanche, c'est le premier ministre qui «joue un jeu dangereux» en essayant «d'opposer la CGT aux citoyens».

L'«opinion publique» reste toujours acquise à la «contestation» du projet de loi travail, a-t-il prétendu, souhaitant ouvertement que la grève se généralise.

Mais «la CGT peut-elle mettre le pays à l'arrêt ?», s'interrogeait mardi le quotidien de gauche Libération, soulignant que le syndicat, qui sort d'une difficile crise de succession depuis deux ans, «n'a pas forcément les moyens de ses ambitions». De toute façon, «il n'appartient pas à une centrale syndicale de faire la loi», a fustigé le patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis.

Économie «prise en otage»

Six raffineries sur les huit que compte la France étaient touchées depuis lundi soir contre quatre la veille. Ces blocages provoquent depuis plusieurs jours des difficultés d'approvisionnement de stations-service, entraînant des ruées d'automobilistes aux pompes.

Selon le secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies, «autour de 20 % des stations sont fermées ou en grande difficulté» sur les 12 000 que compte le pays.

Les autorités ont appelé les automobilistes à ne pas procéder à des «approvisionnements de précaution» en carburant, estimant que «rien ne les justifie». Le groupe pétrolier Total, qui opère cinq des raffineries bloquées, va réviser ses investissements dans le secteur en France, a-t-il mis en garde.

La suite du conflit dépendra aussi en grande partie de la réponse gouvernementale, pointaient mardi plusieurs journaux français.

Car la «convergence des luttes», voulue par beaucoup d'opposants radicaux à la loi travail, semble avoir marqué le pas: la mobilisation dans les universités est «retombée» et le mouvement citoyen Nuit Debout, sur l'emblématique place de la République à Paris «paraît, pour l'heure, s'éteindre doucement», selon Libération.

Le mouvement des routiers, lancé il y a une semaine, semblait lui aussi en perte de vitesse après des garanties apportées par le gouvernement sur le paiement de leurs heures supplémentaires. Côté rail, la grève lundi a été peu suivie sur le réseau de Paris et sa banlieue.

Mais d'autres foyers pourraient bien s'allumer dans les prochaines heures. La CGT a ainsi appelé les conducteurs du métro à une grève illimitée à partir du 2 juin.

La centrale syndicale a également appelé les cheminots à une grève reconductible tous les mercredis et jeudis. Un scénario cauchemardesque pour le gouvernement, qui attend près de 7 millions de visiteurs en France à partir du 10 juin pour l'Euro-2016.

La ministre du Travail Myriam El-Khomri a ainsi prévenu qu'«il n'est pas question» que l'économie du pays «soit prise en otage à trois semaines» de la compétition.

PHOTO JEAN-SÉBASTIEN EVRARD, AFP

Des grévistes bloquent l'accès au port de Saint-Nazaire, dans l'ouest de la France, le 24 mai.