Le vote pour élire le nouveau chef du Parti travailliste britannique s'est achevé jeudi midi, après une campagne dominée par l'irrésistible et surprenante ascension du radical Jeremy Corbyn dont tout semble indiquer qu'il devrait l'emporter.

Le dernier sondage disponible, publié mi-août par l'institut YouGov, le donnait en tête des intentions de vote avec 53 % des voix. Depuis, il n'y a pas eu de nouveau chiffre afin de ne pas influencer l'élection, ouverte le 13 août et close jeudi midi.

Toutefois, selon les échos qui remontent de la base, sa victoire ne fait guère de doute. Le résultat sera annoncé samedi.

Jeremy Corbyn, 66 ans, plus proche des mouvements anti-austérité grec Syriza et espagnol Podemos que du réformiste Tony Blair, a su conforter son statut de chouchou des sympathisants jeunes ou vieux, et des syndicats, lassés du discours du Labour qu'il juge trop tiède.

Il a répété jeudi après-midi sur la chaîne de télévision ITV que sous sa direction, le Labour «ferait passer un message alternatif radical et ambitieux».

Et il s'est dit «tout à fait confiant» que le parti ferait bloc pour présenter «une opposition très forte à ce que fait le gouvernement», écartant l'idée que les députés travaillistes puissent ne pas le soutenir en cas de victoire.

Mèche grise et barbe taillée courte, sandales et allure de professeur à la retraite, le vétéran n'est pourtant ni un grand orateur ni un leader charismatique.

Mais face à lui, les trois autres candidats - Andy Burnham, Yvette Cooper et Liz Kendall - des quadragénaires au profil bien plus classique, n'ont pas galvanisé les foules.

«Il triomphe parce qu'il représente un rejet de la politique classique et parce que les autres candidats n'ont pas su inspirer l'enthousiasme ou l'espoir», déclare à l'AFP Andrew Harrop, secrétaire général de la Fabian Society, un think tank de centre gauche.

Selon lui, «tout tend à prouver que Corbyn a une très grande chance de devenir le chef du parti». Et de citer en exemple «les plus de 100 000 personnes qui sont enregistrées pour le vote avec l'intention de le soutenir».

L'humiliante défaite du précédent chef du parti, Ed Miliband, aux législatives du 7 mai, a été généralement mise sur le compte du virage à gauche qu'il avait opéré depuis 2010.

Pourtant, quatre mois plus tard, le Labour s'apprête à porter à sa tête son député sans doute le plus à gauche, qui se déplace à vélo et cultive son jardin dans son quartier bobo d'Islington (nord de Londres), dont il est député depuis 1983.

«S'ils veulent revenir aux années 1980, laissez-les faire», a ironisé le conservateur George Osborne, le chancelier de l'Échiquier, dans une interview à l'hebdomadaire de gauche New Statesman.

«Opposition claire» contre «compromis»

«Bon nombre de partisans du Labour craignaient qu'aucun des candidats (classiques) ne fasse mieux que Miliband. Alors face à la perspective d'une décennie ou plus de gouvernement conservateur, qui les déprime, ils préfèrent choisir une opposition claire et résolue plutôt que le compromis et la discipline nécessaires pour se préparer à gouverner», juge Andrew Harrop.

L'ouverture du vote - jusque-là réservé aux membres du parti et aux syndicats - à tout citoyen prêt à débourser 3 livres (environ 6 $) joue aussi un rôle déterminant, estiment les analystes alors que 610 000 personnes se sont inscrites.

Le Labour a peiné à gérer ce succès et le déroulement du vote a fait l'objet de nombreuses critiques, certains inscrits se plaignant cette semaine encore de n'avoir pas reçu leur bulletin de vote.

Corbyn a «très bien joué sa campagne, en évitant qu'on lui pose des questions difficiles, sur les Palestiniens ou autre. Il est resté vague aussi sur l'Europe», relève Iain Begg, professeur à la London School of Economics (LSE).

Le militant pacifiste, qui prône la dénucléarisation de son pays, préconise que les mouvements islamistes palestinien Hamas et libanais Hezbollah soient partie prenante d'un règlement de paix au Proche-Orient, une position qui sent le souffre dans un pays où les branches armées de ces deux mouvements figurent sur la liste des organisations terroristes.

Et il s'est bien gardé de prendre clairement position quant au référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne que le gouvernement conservateur veut organiser d'ici à fin 2017.