L'opposant russe Boris Nemtsov, assassiné vendredi à Moscou, avait accumulé des «preuves» de la présence de soldats russes en Ukraine qu'il était sur le point de publier, a affirmé lundi son ami Ilia Iachine.

«Il avait des preuves. Il disait être en contact à Ivanovo, Iaroslavl et dans d'autres villes avec des proches de soldats russes tués» en Ukraine, a déclaré à l'AFP M. Iachine, qui dirige le mouvement d'opposition Solidarnost et était l'un de ses proches amis. M. Iachine a déclaré craindre maintenant que ces preuves ne soient jamais rendues publiques.

«Je ne sais pas comment il avait obtenu ces informations. Les enquêteurs sont venus chez lui deux heures après le meurtre, puis à son bureau le lendemain. Ils ont emporté des documents et les locaux sont maintenant bloqués», a-t-il précisé à l'AFP.

Ces informations devaient être rassemblées dans «un rapport intitulé "Poutine et la guerre"» qui était sur le point d'être publié, avait confié Boris Nemtsov deux jours avant son assassinat, selon Ilia Iachine.

«Je pense que s'il avait fini ce rapport, il aurait fait sensation», avait auparavant assuré M. Iachine à la chaîne d'opposition Dojd. «Mais je ne peux pas affirmer que son meurtre est précisément lié à cette affaire. Il me semble que c'est une donnée importante, à laquelle l'enquête devrait prêter attention».

Boris Nemtsov avait publié plusieurs rapports dans le passé, dont l'un sur la corruption dans de la préparation des Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi.

Peu d'informations ont filtré sur l'enquête depuis l'assassinat par balle de l'opposant vendredi peu avant minuit, non loin du Kremlin.

Le président du Sénat polonais persona non grata

Le président du Sénat polonais, Bogdan Borusewicz, a affirmé lundi que les autorités russes lui avaient refusé la permission d'aller aux obsèques de Boris Nemtsov mardi à Moscou.

«J'ai voulu rendre hommage à Boris Nemtsov, assassiné, à tous les Russes qui pensent comme il pensait, lui. Mais je viens d'apprendre que les autorités russes ne me laisseront pas assister à ces obsèques à Moscou», a déclaré M. Borusewicz, un ancien opposant anticommuniste, soulignant qu'il était «choqué» par cette décision.

Selon le directeur de l'Institut polonais des Affaires internationales Marcin Zaborowski, toute la délégation du Parlement devant accompagner M. Borusewicz s'est vu refuser le visa russe.

«J'attends des explications de la part des autorités russes et de l'ambassadeur de Russie pour savoir pourquoi une telle décision a été prise à l'égard du président du Sénat de Pologne», a ajouté M. Borusewicz.

Le porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères, Marcin Wojciechowski, citant l'ambassadeur de Russie, a précisé sur son compte Twitter que l'interdiction d'entrée frappant M. Borusewicz avait été décidée en réponse aux sanctions européennes touchant depuis un an la présidente du Conseil de la Fédération (chambre haute russe) Valentina Matvienko.

Le président polonais Bronislaw Komorowski a déclaré dans la soirée que la décision de ne pas laisser M. Borusewicz, une «icône de la lutte pour la démocratie en Pologne», assister aux obsèques de Boris Nemtsov était «difficile à comprendre et à accepter».

«Il est difficile de comprendre cette décision compte tenu de la biographie du président du Sénat qui est un personnage symbolique dans la lutte pour la démocratie et la liberté en Pologne, et non seulement en Pologne, mais aussi dans d'autres pays de l'Europe de l'Est», a déclaré M. Komorowski à la presse.

M. Komorowski a ajouté qu'il serait représenté à Moscou par son conseiller, Jan Litynski, et que le gouvernement polonais serait représenté par le vice-ministre des Affaires étrangères Konrad Pawlik.

De son côté M. Litynski a déclaré à l'AFP : «à l'heure actuelle, je compte me rendre à Moscou pour représenter le président Komorowski. Je vais rendre hommage à M. Nemtsov. Mon message à la nation russe sera de dire que la Russie a perdu un grand homme, un grand démocrate et également un ami de la Pologne».

La Lituanie doit de son côté être représentée par son chef de la diplomatie Linas Linkevicius, et la Lettonie par la parlementaire européenne et ex-ministre des Affaires étrangères Sandra Kalniete.