C'est la fin d'une époque. Plus de 150 ans après son adoption, le casque des «bobbies» britanniques commence à disparaître des écrans radars. Il y a deux semaines, la police du West Yorkshire, troisième force constabulaire du pays, a annoncé qu'elle se débarrasserait du casque mythique dans les prochains mois. Étrangement, la nouvelle est presque passée inaperçue, comme si les Britanniques avaient déjà fait leur deuil de cette coiffure distinctive, devenue une icône culturelle du Royaume-Uni, au même titre que les cabines téléphoniques et les autobus à deux étages...

Abandon

Fin janvier, la police du West Yorkshire (région nord de l'Angleterre dont la métropole est Leeds) a annoncé qu'elle remplacerait ses traditionnels casques par des casquettes. Selon les officiers de cette imposante force constabulaire, ce couvre-chef datant de l'ère victorienne était devenu «complètement importable» pour la police d'aujourd'hui. «Un sondage réalisé l'an dernier a révélé qu'une grande majorité de notre équipe préférait avoir une casquette plutôt que le casque, confirme Keith Gilert, surintendant de la West Yorkshire Police. L'uniforme policier a évolué, les casquettes sont plus appropriées que les casques dans plusieurs situations.» Les agents se plaignaient notamment de ne pas pouvoir courir avec le casque, et de son poids, qui causait des maux de cou et de dos. La police du West Yorkshire a déclaré qu'elle conserverait le casque pour les événements officiels.

Tradition

Ce n'est pas la première fois que les «bobbies» se plaignent de leur casque. En 2002, à la demande générale, la hauteur de ce custodian helmet avait été réduite de 12 à 9 pouces afin de le rendre plus stable. Mais les protestations ont continué. En 2009, la police de Thames Valley fut la première à abandonner le couvre-chef, un événement mineur en raison de ses faibles effectifs. Forte de 5000 hommes, la police du West Yorkshire est la première organisation d'envergure à faire le saut. Pourquoi avoir attendu si longtemps? «Un mélange d'inertie et de traditionalisme, suggère Martin Stallion, de la société d'histoire de la police britannique. Et puis, le casque a ses avantages. Il donne de la hauteur. On le voit venir de loin. Il est distinctif. Avec la casquette, le policier ressemble à n'importe quel agent de sécurité...»

Londres

Martin Stallion craint que la décision de la police du West Yorkshire n'ait un effet boule de neige. D'autant que le syndicat des policiers a officiellement appuyé le geste. «Maintenant que deux ou trois l'ont fait, d'autres vont sûrement y penser.» Selon lui, le dernier bastion de résistance sera sûrement la police de Londres, et ce, pour plusieurs raisons. Primo, c'est elle qui a lancé ce casque en 1863. Deuzio, l'actuel commissaire de la force métropolitaine est un traditionaliste convaincu. Tertio, le casque des «bobbies» fait résolument partie du paysage londonien, au même titre que Big Ben, Buckingham Palace et le London Bridge. «C'est une icône touristique, résume Stallion. Le jour où les policiers londoniens vont se promener dans les rues sans leur casque, on se posera vraiment des questions.»

Information

Au commencement, ils portaient un haut-de-forme. Puis est venu le casque (1863) avec son design vaguement inspiré de l'armée prussienne. Adopté par toutes les forces constabulaires du Royaume-Uni - sauf l'Irlande du Nord -, ce couvre-chef deviendra le symbole du «bobby» en service, faisant sa ronde à pied. Objet de culture populaire, on l'a vu depuis dans des centaines de films, en version jouet dans les magasins pour touristes et dans quelques célèbres clichés de la Beatlemania, où des flics débordés tentent de contenir des fans hystériques. «Personnellement, je serais triste de le voir disparaître», conclut Stallion, un brin nostalgique. À noter que l'Écosse a abandonné le casque dès les années 30. Il est cependant toujours en vigueur aux Bermudes, à Gibraltar, et même en version blanche colonialiste, par la police de Toronto lors de cérémonies officielles...