L'ancien président polonais Aleksander Kwasniewski a confirmé pour la première fois mercredi que la CIA avait mené dans son pays des interrogatoires violents, et souhaité que les responsables américains soient punis.

Il a affirmé qu'au départ les dirigeants polonais ignoraient la nature exacte de ces interrogatoires, puis, préoccupés par leur caractère ultra-secret et en même temps par la possibilité de fuites, ils avaient demandé leur arrêt.

M. Kwasniewski, président de la Pologne entre 1995 et 2005, a fait ces déclarations lors d'une conférence de presse au lendemain de la publication d'un rapport accablant par le Sénat américain, qui ne cite nommément aucun pays ayant accueilli des centres d'interrogatoire de la CIA.

Il a dénoncé «les méthodes inacceptables» utilisées «par des officiers américains» et souhaité qu'ils «en subissent les conséquences».

L'ancien chef de l'État a révélé aussi que l'installation du centre de la CIA en Pologne avait fait l'objet d'un mémorandum qui stipulait notamment que les détenus seraient traités «comme des prisonniers de guerre». Cependant, a-t-il ajouté, pour des «raisons de longueurs de procédure», ce document n'a pas été signé par la partie américaine qui n'a fait qu'en prendre connaissance.

C'est la première fois qu'un ancien responsable de son rang confirme ces faits, alors que les autorités polonaises en place se réfugient depuis des années dans un mutisme total, s'abritant derrière le secret de l'enquête menée depuis six ans par la cour d'appel de Cracovie, sans progrès visibles.

Toutefois, il a refusé d'entrer dans les détails, affirmant que ces renseignements étaient couverts par la clause «cosmic top secret».

«Que les Américains mènent ces activités d'une manière si secrète, a suscité des inquiétudes. Du coup, les autorités polonaises ont agi pour y mettre fin et ces activités ont été arrêtées, sous la pression de la Pologne», a-t-il dit mercredi matin à la radio TOK FM.

M. Kwasniewski a raconté avoir exposé cette question au président George W. Bush «dans le bureau ovale de la Maison-Blanche». Selon lui, le chef de l'exécutif américain avait défendu les activités de la CIA, affirmant qu'elles apportaient «d'importants bénéfices en matière de sécurité».

Mais «j'ai dit à Bush qu'il fallait que cette coopération se termine et elle s'est terminée», a ajouté l'homme politique polonais.

Selon lui, la coopération avec les Américains, et notamment les renseignements obtenus, a bénéficié à son pays. «Il n'y a pas eu de menace terroriste en Pologne (...) Nous savions qui il fallait arrêter à la frontière», a-t-il expliqué.

M. Kwasniewski a défendu son accord initial, rappelant la mort de quelques milliers d'Américains dans les attentats du 11-Septembre et le contexte de «la guerre contre le terrorisme déclarée par l'OTAN, dont la Pologne est membre».

En revanche, il a estimé que la publication du rapport du Sénat, les révélations sur la torture et le fait que la CIA ait menti à son président risquaient d'affaiblir la confiance des alliés dans les États-Unis et nuire à leur coopération lors de futures opérations secrètes.

«Cela augmente l'impression de faiblesse des États-Unis», a-t-il dit, avant d'estimer que c'était là «un cadeau pour le Kremlin».