Le Parlement catalan a voté vendredi une loi autorisant une «consultation» sur l'indépendance de la région vis-à-vis de l'Espagne, contournant ainsi l'opposition de Madrid au référendum que le président de la Catalogne, Artur Mas, veut convoquer le 9 novembre.

La loi, approuvée par 106 députés contre 28, autorise le gouvernement régional à organiser des «consultations populaires», à caractère non contraignant, mais doit être contestée devant le Tribunal constitutionnel par le gouvernement espagnol.

Alors que l'Europe avait les yeux rivés sur l'Écosse, la Catalogne, aux premières loges, lançait une nouvelle étape vers le vote que les indépendantistes veulent organiser sur le maintien ou non au sein de l'Espagne, en contournant l'opposition de Madrid.

La réponse du gouvernement espagnol, conforté par le verdict des urnes en Écosse, s'appuyant sur la Constitution pour refuser à une de ses régions le droit de décider seule de son avenir, est maintenant attendue par le biais d'un recours devant le Tribunal constitutionnel.

«Nous sommes très heureux que l'Écosse reste avec nous», a réagi vendredi, sans surprise, le chef du gouvernement conservateur espagnol, Mariano Rajoy, se félicitant que les électeurs «aient fait le choix entre la ségrégation et l'intégration».

«Des milliers d'indépendantistes»

Dans le bourg catalan d'Arenys de Munt, tous se souvenaient de ce vote symbolique, organisé en 2009, pour l'indépendance de la région.

«Il y a cinq ans, on nous disait que nous ne pouvions pas voter. Finalement, nous l'avons fait et ça a été formidable», racontait Maria Angels Gros, 39 ans, la présidente du centre culturel qui avait accueilli ce scrutin. «J'espère que nous pourrons vivre à nouveau cela le 9 novembre».

Dépités, les habitants d'Arenys écoutaient pourtant avec envie les nouvelles d'Écosse, retransmises en direct par la télévision catalane.

«L'important n'était pas tellement qu'ils disent oui ou non. Il est certain que nous espérions les retombées d'un oui pour la Catalogne», remarquait Josep Maria Garrell, un pâtissier de 55 ans.

«Mais l'important est qu'eux, ils ont pu voter, et pas nous», ajoutait-il, avant d'avertir : «S'ils interdisent le référendum, ils feront naître des milliers d'indépendantistes de plus».

À 40 kilomètres au nord de Barcelone, ce bourg de 8000 habitants, niché entre mer et montagne, avait été le premier, le 13 septembre 2009, à organiser un référendum sur l'indépendance catalane.

Le Oui, massif, avait provoqué un effet domino et en deux ans, 554 municipalités avaient organisé leur propre scrutin.

«Cameron au lieu de Rajoy»

Depuis, les aspirations à l'indépendance n'ont cessé de croître en Catalogne, privée en 2010, sur décision de la justice espagnole, d'une partie de son statut d'autonomie élargie.

Dans cette région puissante du nord-est de l'Espagne, le ressentiment envers Madrid s'est nourri aussi de la crise économique, la Catalogne accusant Madrid de répartir inégalement les richesses.

Mais face à la poussée indépendantiste, le gouvernement de Mariano Rajoy reste de marbre. À l'inverse de Londres face à l'Écosse, il se dit déterminé à empêcher le référendum promis par Artur Mas, un conservateur allié aux indépendantistes de gauche du parti ERC.

Après avoir promis qu'il n'agirait que dans la légalité, Artur Mas pourrait se retrouver dans une impasse, si le Tribunal constitutionnel tranchait dans le sens du gouvernement central.

Alors qu'un oui de l'Écosse aurait pu, selon lui, enclencher au sein de l'Union européenne un processus favorable à l'indépendance d'autres régions, le Non porte, dans un premier temps au moins, un coup sévère à son projet.

«Si le camp du Oui avait gagné, les conséquences de ce vote au niveau européen auraient été plus évidentes», a-t-il reconnu. «Nous n'aurons pas ce précédent avec l'Écosse, peut-être que le premier exemple sera la Catalogne».

«J'aurais aimé que le Oui l'emporte pour que s'ouvre le débat au niveau européen. Ce débat, nous espérons qu'il s'ouvrira en Catalogne,» confiait aussi le maire ERC d'Arenys, Joan Rabasseda.

«Si nous avions eu un David Cameron au lieu d'un Mariano Rajoy...», soupirait-il. «Cameron a autorisé le vote, offert des contreparties, tenté de séduire. Ici, ils ne font que nous étouffer».