Manuel Valls a obtenu mardi une nette confiance des députés, après avoir promis «vérité» et «efficacité» pour redresser la France, et annoncé un big bang territorial, ainsi que des allègements de cotisations sur les bas salaires.

Dans un hémicycle plein à craquer, le nouveau chef du gouvernement, costume bleu nuit, a vécu son baptême du feu en prononçant pendant 47 minutes sa déclaration très attendue de politique générale, une semaine après avoir succédé à Jean-Marc Ayrault.

Manuel Valls, qui avait demandé aux députés «le coeur battant pour la France» de lui accorder leur confiance, l'a gagnée avec 306 voix contre 239, et 26 abstentions, dont 11 socialistes, selon les résultats annoncés peu après 19H00.

S'il a obtenu plus que la majorité absolue des 577 membres de l'Assemblée nationale, il n'a pas fait le plein des voix des trois groupes de la majorité (socialistes, écologistes et radicaux de gauche).

Dans son discours, le nouveau locataire de Matignon a assuré vouloir «travailler avec la majorité parlementaire sur la base d'un contrat qui nous engage mutuellement» comme une partie du Parti socialiste l'avait réclamé ces derniers jours.

Contracté les premières minutes, le Premier ministre s'est peu à peu libéré. «Soyons fiers d'être Français!» s'est-il exclamé, avant de saluer le fait que «peu de pays» permettent les «plus hautes fonctions» à des citoyens nés à l'étranger. M. Valls, né à Barcelone, en Espagne, a été naturalisé français à 20 ans, en 1982.

«Zéro charge sur le Smic»

Manuel Valls a dépeint la situation d'une France marquée par «trop de souffrance, pas assez d'espérance».

Appelant le pays à se «concentrer sur l'essentiel», il a dessiné ce qui s'apparente à un «big bang territorial». Le Premier ministre a préconisé de «réduire de moitié le nombre de régions dans l'Hexagone», avec une nouvelle carte des régions le 1er janvier 2017 si les régions n'ont pas d'ici-là «fusionné par délibérations concordantes». Il propose aussi la suppression des conseils départementaux en 2021.

Au chapitre économique, il a égrené un calendrier budgétaire assez précis.

Pour lui, baisser le coût du travail est «un des leviers de la compétitivité». M. Valls a annoncé qu'à partir de 2015, les cotisations patronales à l'Urssaf seraient «entièrement supprimées» sur le Smic.

Les cotisations familiales seront également abaissées en 2016 pour les salaires «jusqu'à 3 fois et demi le Smic». Les cotisations famille des travailleurs indépendants baisseront elles aussi.

Au total, le coût du travail baissera bien de 30 milliards d'euros d'ici à 2016, comme l'avait annoncé en janvier François Hollande.

M. Valls, qui a admis que «les feuilles d'impôts (étaient) trop lourdes», a aussi promis un geste fiscal avec des baisses d'impôts de production, comme la «C3S» (contribution sociale de solidarité des sociétés).

La fiscalité «pesant sur les ménages modestes» sera revue à la baisse, a promis M. Valls, évoquant un effort de 5 milliards d'euros «à l'horizon 2017».

Si les écologistes ont refusé de siéger au gouvernement, M. Valls leur a fait un clin d'oeil appuyé, réitérant l'objectif de réduction de la part du nucléaire à 50% d'ici à 2025. Le texte sur la transition énergétique sera bien présenté «avant l'été».

Il s'est prononcé contre un «euro trop fort» qui pénalise, selon lui, les entreprises, mais a confirmé l'objectif de réduction de la dette, en dépit des voix qui s'élèvent à gauche pour récuser la rigueur budgétaire.

Pour arriver à 50 milliards d'euros d'économies d'ici à la fin du quinquennat, l'État sera mis à contribution à hauteur de 19 milliards d'euros, l'assurance maladie à 10 milliards d'euros tout comme les collectivités à 10 milliards. Mais M. Valls est resté vague sur les 11 milliards restants. Il précisera peut-être son propos mercredi matin sur BFM-TV/RMC.

«Je ne suis pas pour l'austérité, pas pour la remise en cause de notre modèle», a-t-il assuré. Le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, a alors opiné du chef.

Un geste sur les rythmes scolaires

Le Premier ministre s'est par ailleurs saisi du dossier sensible des rythmes scolaires, «une bonne réforme» mais dont le «cadre réglementaire» sera «assoupli», après une série de concertations.

Dans l'entourage du président Hollande, on se félicitait mardi soir d'un «discours parfaitement cohérent avec la feuille de route» fixée par le chef de l'État. «Le Premier ministre a été précis, concret, vif et énergique» et son discours «écouté avec attention» sinon «respect, à la fin», a-t-on relevé de même source, se félicitant du «très bon» résultat du vote de confiance, à la veille de la nomination des secrétaires d'État qui devrait intervenir mercredi après-midi.

«Le tandem Hollande-Valls a bien fonctionné pendant la campagne» tout comme le «couple président-Premier ministre» aujourd'hui, ajoutait-on encore, louant «une complicité, une rapidité, une fluidité dans l'action et la réflexion».

Il n'y a pas de changement», a déploré en revanche le député UDI Christophe Lagarde. «Il a annoncé beaucoup de dépenses» et «je ne sais pas où il économise les 50 milliards», a-t-il noté.

L'autorité de Manuel Valls est déjà «profondément atteinte» par le «rétrécissement» de sa majorité, a estimé le président des députés UMP, Christian Jacob.

Le chef de file des députés Front de Gauche André Chassaigne a reproché à Manuel Valls de n'avoir apporté «aucune réponse à la souffrance sociale».

Les annonces sur la réforme territoriale ont suscité des protestations à droite mais aussi du président de l'Assemblée des Départements de France, Claudy Lebreton (PS).

Hors de l'Assemblée, la présidente du FN Marine Le Pen a jugé que «le gouvernement envoie la France dans le mur».