La star russe de la perche Yelena Isinbayeva a tenté vendredi de minimiser la polémique provoquée par ses déclarations antigais, se disant «mal comprise» et opposée à toute «discrimination» contre les homosexuels.

«Je suis opposée à toute discrimination contre les homosexuels, qui se base sur la sexualité (ce qui est contraire à la Charte olympique)», a déclaré Isinbayeva, 31 ans, dans un communiqué publié au lendemain de sa conférence de presse, expliquant qu'elle avait été «mal comprise».

«L'anglais n'est pas ma première langue et je crois que j'ai peut-être été mal comprise quand je me suis exprimée hier» jeudi, a indiqué Isinbayeva.

«Ce que je voulais dire, c'est que les gens doivent respecter les lois d'autres pays, en particulier quand ils sont invités», a-t-elle souligné dans le communiqué.

Au cours de sa conférence de presse au stade Luzhniki de Moscou, où se déroulent les Mondiaux-2013 d'athlétisme, Isinbayeva avait pris la défense d'une loi russe interdisant la «propagande» homosexuelle devant mineurs, un texte passible d'une peine d'amende et de prison, jugé discriminatoire par des défenseurs des droits de l'homme.

«Orientations non traditionnelles»

Isinbayeva a jugé que la perchiste suédoise Emma Green-Tregaro avait eu une attitude «irrespectueuse» vis-à-vis de la Russie en se présentant à la compétition avec des ongles vernis aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, symbole de l'homosexualité.

En Russie, «nous nous considérons comme des gens normaux où des garçons sont avec des filles, et des filles avec des garçons», avait déclaré Isinbayeva, certes dans un anglais approximatif.

Mais elle a défendu sans ambiguïté la loi promulguée en juin par le président Vladimir Poutine, réprimant la «propagande» homosexuelle devant mineurs, un texte très controversé dans la perspective des Jeux olympiques d'hiver organisés en février 2014 à Sotchi, dans le sud de la Russie.

«Nous tolérons toutes les opinions et nous respectons tout le monde, mais en retour, ces personnes doivent respecter nos lois et ne pas promouvoir dans les rues les orientations (sexuelles, ndlr) non traditionnelles», avait insisté Isinbayeva, deux jours après sa médaille d'or pour un saut à 4,89 m.

Les propos de la double championne olympique, considérée comme l'une des athlètes les plus populaires du monde, ont provoqué de vives critiques, notamment d'anciens athlètes, comme Michael Johnson, légende américaine du 400 mètres, considéré comme l'un des plus grands sprinters de tous les temps.

«Elle est très populaire ici et fait partie d'un petit groupe de gens qui ont beaucoup de pouvoir et défendent cette vision des choses dans le pays», a déclaré Johnson, expert de la BBC pour le sport.

«C'est un mauvais jugement et une très mauvaise opinion», a-t-il insisté.

Isinbayeva est «vraiment déconnectée du reste du monde», a renchéri l'athlète britannique Denise Lewis, championne olympique de l'heptathlon en 2000.

«Je suis très surprise que ses dirigeants ne lui aient pas conseillé d'être un peu plus prudente en s'abstenant d'exposer ses vues lors de cet événement. C'est vraiment accablant pour elle en tant que superstar mondiale», a-t-elle estimé.

Soutien de médias russes

Isinbayeva est revenue sur ses propos après avoir «compris que la principale sanction pour elle serait de perdre tous ses commanditaires, et devenir un paria dans le sport à l'échelle mondiale», a écrit sur son compte Twitter le leader de la communauté homosexuelle russe, Nikolaï Alexeev.

L'Australienne Sally Pearson, championne olympique du 100 m haies, qui va défendre son titre vendredi, s'est montrée plus mesurée: «Je pense que la politique et le sport ne vont pas ensemble, ils devraient rester séparés et les personnes de ces deux mondes ne devraient pas passer de l'un à l'autre».

Des médias russes ont pris la défense d'Isinbayeva en accusant les médias occidentaux d'attaquer la championne qu'un journal a qualifiée d'«oiseau du bonheur» de la Russie, en référence à une chanson soviétique.

«Le monde occidental a piqué une colère contre Yelena Isinbayeva», écrit le site d'informations en ligne Gazeta.ru dans une tribune, estimant que les «médias étrangers s'intéressent peu» aux succès sportifs d'Isinbayeva.

L'histoire de la «prétendue homophobie» d'Isinbayeva ne valait pas une telle attention, a renchéri le rédacteur en chef de l'agence russe R-Sport.

Selon un récent sondage de l'institut Vtsiom, 88% des Russes soutiennent l'interdiction de la «propagande» homosexuelle, et 54% pensent qu'il faut punir l'homosexualité.