L'ex-magnat du pétrole emprisonné Mikhaïl Khodorkovski a remporté une victoire symbolique contre Moscou jeudi à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Son premier procès en 2005 avec l'autre dirigeant et actionnaire de son groupe Platon Lebedev, a été jugé «inéquitable» par les juges de Strasbourg.

Ceux-ci ont admis que les accusations portées contre les deux hommes, essentiellement pour fraude fiscale et escroquerie, «reposaient sur des bases solides». Mais ils ont estimé que leur droit à un procès équitable avait été bafoué, et que «leur incarcération dans des pénitenciers lointains n'était pas justifiée».

Dans un jugement complexe de plus de 200 pages, les juges européens ont retenu plusieurs violations par la Russie de la Convention européenne des droits de l'homme, au premier rang desquelles une «atteinte portée à la confidentialité s'attachant aux relations avocat/client, ainsi que la collecte et l'examen des preuves par la juridiction du jugement».

Dans une première réaction à l'AFP, depuis Londres, une avocate de Mikhaïl Khodorkovski, Karinna Moskalenko, s'est dite «très satisfaite du fait que la CEDH ait reconnu le caractère inéquitable du procès (et) de nombreuses infractions à la Convention».

Elle a déploré que la CEDH «répète néanmoins qu'elle ne peut conclure au caractère fondamentalement politique du procès, en l'absence de "preuves tangibles et irréfutables"».

Comme dans un précédent arrêt, en 2011, la CEDH n'a pas reconnu la motivation politique de cette condamnation.

Sur ce point capital pour Mikhaïl Khodorkovski, adversaire résolu du président russe Vladimir Poutine, ses juges sont montrés très prudents.

«La Cour est disposée à reconnaître que certains responsables gouvernementaux avaient des raisons personnelles de prôner des poursuites contre les intéressés (...), mais aucune des charges retenues contre ces derniers ne portait sur leurs activités politiques», et «les accusations portées à l'encontre des intéressés étaient sérieuses», ont-ils noté.

Ils n'ont toutefois pas exclu de réexaminer cette question à l'avenir, concernant le second procès dont les deux hommes ont fait l'objet.

Me Moskalenko a indiqué que les avocats allaient réclamer maintenant «la libération immédiate de leurs clients, compte tenu de la gravité des infractions constatées par la CEDH».

Concernant le principe du «droit à un procès équitable», la CEDH n'a en revanche rien trouvé à redire concernant l'impartialité du juge ayant présidé leur procès en 2005.

Arrêtés en 2003, Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev purgent une peine qui a finalement été fixée après appel en 2011 à 13 ans d'emprisonnement. Ils ne seraient donc normalement libérables qu'en 2016.

Pour le reste, les juges de la CEDH ont admis jeudi leurs requêtes concernant «l'humiliation» infligée à Platon Lebedev «en l'enfermant dans une cage métallique au cours des audiences dans son procès».

Ils ont dénoncé comme une violation du droit au respect de la vie privée et familiale le fait que les deux hommes ont été incarcérés «dans des pénitenciers de Sibérie et du Grand Nord situés à des milliers de kilomètres de Moscou et du domicile de leurs familles».

Ils ont également tancé le «harcèlement dont les avocats de M. Khodorkovski ont été victimes de la part des autorités».

Ils ont en revanche admis que la loi fiscale russe avait été correctement appliquée.

Au final, la CEDH a condamné la Russie à verser 10 000 euros (environ 13 580 $) à M. Khodorkovski pour préjudice moral, mais rejeté la demande de M. Lebedev pour dommage matériel.

Les deux parties disposent maintenant d'un délai de trois mois pour demander un éventuel réexamen de cette affaire par l'instance suprême de la CEDH, la Grande Chambre.