Le pape a donné un brusque coup d'accélérateur mercredi à ses projets de réforme des institutions vaticanes en créant une commission spéciale ne répondant qu'à lui, pour contrôler les activités de la banque controversée du Vatican, le IOR.

Officiellement, cette commission pontificale de cinq membres doit lui permettre de «mieux connaître la position juridique et les activités» de l'Institut pour les oeuvres religieuses (IOR), afin de «favoriser une meilleure harmonisation (de son action, ndlr) avec la mission de l'Église universelle».

Signe toutefois de l'importance de la tâche confiée à cette commission, formée de quatre religieux et une laïque, le pape a précisé cette mission dans un chirographe, un document écrit de sa propre main daté du 24 juin, dans lequel il stipule que la Commission devra avoir accès à toute la documentation du IOR, y compris celle couverte par le secret.

Tous les vaticanistes y ont vu un changement de cap radical, Andrea Tornielli de la Stampa parlant de «secousse» et Sandro Magister de L'Espresso prédisant «la fin non lointaine du IOR puis sa résurrection sous une nouvelle forme, avec un nouveau nom et de nouveaux dirigeants».

Ce n'est «pas un placement sous tutelle» du IOR, a assuré le porte-parole du Vatican le père Federico Lombardi. Mais aux yeux de Marco Politi du journal Il Fatto Quotidiano, le pape «a décidé d'affronter sérieusement le problème du IOR» en créant cette «commission d'enquête».

Il s'agit de la «deuxième décision importante» du pape argentin membre de l'austère congrégation des Jésuites, après la nomination d'un groupe de 8 cardinaux chargés de préparer une refonte de la Curie vaticane attendue à l'automne, a indiqué ce vaticaniste à l'AFP.

La Commission qui «commencera à travailler ces jours-ci», devra «recueillir des informations sur l'Institut et présenter ses conclusions au Saint Père», a précisé le Vatican.

Au fil des ans, des scandales retentissants ont entaché la réputation du IOR, des milieux criminels ayant profité de l'anonymat ou de prête-noms pour y blanchir leurs fonds. Le plus important avait été en 1982 la faillite du Banco Ambrosiano, un scandale bancaire qui mêlait CIA et loge maçonnique. L'affaire Enimont (1993) de pots-de-vins à des partis politiques italiens a aussi éclaboussé l'IOR et plus récemment, le tribunal de Rome a détecté des cas de blanchiment d'argent mafieux à travers les arcanes de la banque.

Le Suisse René Brülhart, conseiller de l'Autorité d'information financière qui supervise le IOR, a indiqué que six transations suspectes avaient été signalées en 2012.

La présidence de la Commission a été confiée au cardinal italien Raffaele Farina, ex-responsable des archives secrètes du Vatican. Son coordinateur est le prélat espagnol, Mgr Juan Ignacio Arrieta Ochoa de Chinchetru, spécialiste de la législation du Vatican. Les trois autres membres sont le cardinal français Jean-Louis Tauran, Mgr Peter Bryan Wells, un Américain membre de la Secrétairerie d'Etat nommé secrétaire, ainsi que Mary Ann Glendon professeure de droit à Harvard, ex-ambassadrice américaine auprès du Saint-Siège.

«L'idée est de contrôler ce qui se passe à l'intérieur du IOR puis de le réorienter, de le ramener à sa fonction originelle d'assistance financière du Vatican. Ce doit être une banque qui ne sert que les intérêts de l'Eglise», a expliqué M. Politi, estimant que la présence de deux Américains «est une réponse à la demande de cet épiscopat de faire le ménage» au sein du IOR.

Selon lui, l'un des grands changements pour le IOR consistera à limiter «de façon très rigide» la possibilité d'ouvrir un compte dans un institut qui en gère 19.000 pour une valeur de 7 milliards d'euros.

«Actuellement n'importe quel prêtre peut ouvrir un compte et on ne peut pas contrôler s'il est utilisé pour blanchir de l'argent mafieux ou pas», a-t-il ajouté.

Pour le vaticaniste, la Commission n'est «pas un désaveu» du président du IOR, l'Allemand Ernst Von Freyberg, nommé par l'ex-pape Benoît XVI peu avant sa démission en février. Au contraire, il a entrepris de faire expertiser un par un les comptes du IOR et «cela converge» avec la mission de la Commission.

fka/ljm/jpr