Moins de trois semaines après sa mise en place, le nouveau gouvernement bulgare soutenu par les socialistes a déjà cruellement déçu la population, qui réclame sa démission au risque de plonger la Bulgarie dans une nouvelle période d'instabilité.

Le pays le plus pauvre de l'Union européenne est le théâtre depuis vendredi de manifestations qui rappellent les protestations de l'hiver dernier contre la pauvreté et la corruption. Elles avaient eu raison du précédent gouvernement, celui du conservateur Boïko Borissov.

Mardi soir, plus de 7000 personnes, soit autant que la veille, se sont rassemblées à Sofia, scandant «démission!», ou «pourriture rouge!» à l'adresse du premier ministre sans étiquette Plamen Orecharski et de son équipe.

Ces manifestations spontanées, qui se déroulent pour le cinquième jour consécutif, restent dans l'ensemble pacifiques, mais la tension monte autour de la participation de nationalistes. Lundi soir, sept manifestants et un député du parti ultra-nationaliste Ataka ont été légèrement blessés.

Une décision jugée révoltante par la population, mais aussi par le chef de l'État, a mis le feu aux poudres.

Vendredi, le parlement avait entériné en l'espace d'un quart d'heure et sans débats la nomination d'un député controversé de 32 ans, Deylan Peevski, au poste de chef de la puissante agence de la sécurité nationale (DANS).

Cet homme, qui n'a aucune expérience dans le domaine de la sécurité, est lié à un puissant groupe de presse appartenant à sa famille.

Membre du parti de la minorité musulmane turque (MDL) - qui soutient l'actuel gouvernement avec les socialistes (ex-communistes) - il avait occupé entre 2005 et 2007 le poste de vice-ministre chargé de la lutte contre les catastrophes naturelles.

Mis en cause dans une affaire de corruption, il avait été limogé, mais sans jamais avoir été inquiété par la justice.

Le mal est fait

Certes, Deylan Peevski a entre-temps renoncé à sa nomination et le premier ministre a reconnu son erreur, mais le mal était fait.

Le chef de l'État Rossen Plevneliev a déclaré avoir perdu toute confiance dans la nouvelle équipe au pouvoir.

«Ces manifestations sont catégoriques, elles ont une raison claire et les hommes politiques doivent modifier leur approche», a-t-il estimé lundi.

«Je suis conscient du fait que le gouvernement a perdu une part de sa légitimité. Mais si je démissionne maintenant, il n'y aura aucune légitimité de quelque sorte que ce soit. C'est dangereux», a fait valoir M. Orecharski lundi dans un entretien avec la chaîne de télévision privée bTV.

Il a mis en garde contre une nouvelle crise politique et économique s'il devait quitter son poste maintenant.

«Les chances du gouvernement de se maintenir au pouvoir sont de 50-50, tout dépendra de la façon dont il gérera les tensions populaires», a estimé Kancho Stoychev, analyste à l'institut Gallup.

«Des élections cet automne ne changeront rien, mais conduiront à la même situation au Parlement», a-t-il ajouté. Le gouvernement actuel repose sur des bases très fragiles: il est soutenu par les 120 députés (sur 240 au total) du Parti socialiste et du MDL avec l'appui tacite des ultra-nationalistes d'Ataka. Le plus grand groupe est celui du Gerb, avec 97 députés.

Le parti conservateur de l'ex-karatéka Boïko Borissov avait remporté d'une courte tête les élections législatives anticipées du 12 mai, mais n'était pas parvenu à former une coalition gouvernementale.

Les analystes jugent indispensable une révision de la loi électorale avant d'organiser un nouveau scrutin qui aboutirait sinon à la même impasse. Des consultations sur cette réforme ont débuté, mais il faudra selon eux des mois avant qu'une loi ne soit éventuellement promulguée.

Mardi, Boïko Borissov a annoncé que son groupe ne siègerait désormais plus au Parlement et n'y reviendrait «que pour des sessions débattant d'un nouveau code électoral». Cette décision n'entravera pas la capacité du gouvernement à faire passer des lois, mais ajoute à la confusion politique.

«Il serait judicieux d'avoir un gouvernement de technocrates avec un large soutien des socialistes et du Gerb, qui resterait en place jusqu'en mai 2014 pour organiser alors de nouvelles élections», estime Daniel Smilov, analyste politique au Centre des stratégies libérales.

«On a le choix entre l'agonie d'un gouvernement qui a perdu sa légitimité et le risque d'entrer dans une spirale d'élections législatives.»