Le suspense était à son comble jeudi en Italie, où l'ex-syndicaliste Franco Marini, proposé par les principaux partis, n'a pas réussi à remporter l'élection présidentielle à l'issue du premier tour de scrutin des «Grands Électeurs».

M. Marini a remporté 521 voix, soit la majorité absolue, mais il n'a pas obtenu la majorité indispensable des deux tiers (672 voix), requise lors des trois premiers tours de vote. À partir du quatrième, seule la majorité absolue est requise.

Son principal concurrent, Stefano Rodotà, un expert en droit constitutionnel proposé par les contestataires du Mouvement cinq étoiles (M5S), a obtenu un bon résultat avec 240 voix, un chiffre bien supérieur au nombre d'élus du M5S.

Le reste des bulletins s'est dispersé entre blancs, nuls et des poignées de voix pour d'autres personnalités telles Romano Prodi ou Emma Bonnino.

L'échec de M. Marini au premier tour a été accueilli par des applaudissements de manifestants de gauche réunis devant le Parlement et venus soutenir M. Rodotà.

«Marini est devenu le symbole d'une politique que les dernières élections ont clairement rejetée», a déclaré à l'AFP Sonia, 55 ans, estimant que «Rodotà, même s'il a 80 ans, est un digne représentant du renouveau et de ce que le peuple veut.»

Un second tour a débuté peu après 13 h 30 GMT (9 h 30 à Montréal) au cours duquel les principaux partis ont décidé de voter blanc, dans l'attente, vendredi après-midi, du quatrième tour à partir duquel seule la majorité absolue est requise.

Le Parlement au grand complet et les représentants des régions, soit 1007 «Grands Électeurs», avaient entamé peu après 8 h GMT (4 h à Montréal) un vote crucial pour sortir le pays de l'impasse politique dans laquelle il est embourbé depuis deux mois.

À l'issue d'intenses tractations, les deux principaux partis, le Parti démocrate (PD, gauche) et le Peuple de la Liberté (PDL, droite), se sont entendus mercredi sur le nom du démocrate-chrétien de gauche Franco Marini, 80 ans.

Président du Sénat de 2006 à 2008, M. Marini «sera en mesure d'assurer une convergence des forces de centre droit et de centre gauche», a estimé le leader du PD, Pier Luigi Bersani.

«Nous croyons que c'est la meilleure solution possible en ce moment (...) Marini n'est pas du centre droit, mais il a toujours démontré être au-dessus des partis», a affirmé de son côté Silvio Berlusoni à ses troupes du PDL.

Le camp du Cavaliere avait exercé de fortes pressions sur M. Bersani pour qu'ils parviennent ensemble à un choix consensuel, et évitent un candidat qui lui soit hostile alors qu'il affronte plusieurs procès en justice.

Mais cette annonce d'un candidat de compromis entre PD et PDL a aussitôt suscité un tollé au sein de la gauche.

«C'est un candidat du siècle dernier, ce choix est une insulte pour le pays», a fustigé Matteo Renzi, maire de Florence et étoile montante du PD.

Le SEL, un parti de gauche allié-clé du PD lors des législatives, a annoncé qu'il votait Stefano Rodotà.

En revanche, la Ligue du Nord, alliée de M. Berlusconi, et les centristes du chef de gouvernement sortant Mario Monti se sont ralliés au nom de M. Marini.

Dans la république parlementaire italienne, les pouvoirs du président sont limités. Mais cette année, l'enjeu est de taille en raison du blocage né des dernières élections législatives des 24 et 25 février, sans vainqueur clair.

La gauche a remporté la majorité absolue à la Chambre des députés mais pas au Sénat, de sorte que M. Bersani n'a pas réussi à former un gouvernement.

Le président sortant, Giorgio Napolitano, dont le septennat expire le 15 mai et qui a exclu de rempiler en raison de son âge, 87 ans, ne pouvait pas dissoudre le parlement et convoquer de nouvelles élections dans les six derniers mois de son mandat.

Son successeur aura donc la difficile tâche de trouver la quadrature du cercle.

Comme son prédécesseur, il peut confier la tâche de former un gouvernement à M. Bersani dans l'espoir que celui-ci parvienne finalement à obtenir la confiance au Sénat grâce au vote de transfuges. Il peut faire appel à une autre personnalité, ou encore dissoudre le parlement et convoquer de nouvelles élections.



De Rocco Siffredi à Sophia Loren: quand les grands électeurs s'amusent

De la pornostar Rocco Siffredi à l'actrice Sophia Loren, en passant par l'ex-épouse de Silvio Berlusconi, plusieurs noms insolites ont émergé à l'occasion des deux premiers tours de l'élection du président de la République italienne.

Visiblement peu inspirés par les candidats désignés par leurs partis, quelques-uns des 1007 grands électeurs -députés, sénateurs et représentants des régions- qui votaient à bulletins secrets ont opté pour des choix fantaisistes.

Sourire embarrassé, le président du Sénat Piero Grasso hausse les épaules, sa collègue de la Chambre des députés vient de lire le nom de Rocco Siffredi, la célèbre star italienne du cinéma porno. Problème: il est né en 1964 et n'a donc pas les 50 ans minimum requis pour être élu.

Autres votes classés dans la catégorie «des suffrages perdus», ceux qui se sont portés par exemple sur Veronica Lario, l'ex-femme de M. Berlusconi, l'ancien entraîneur de l'équipe italienne de football Giovanni Trapattoni, le comte Raffaello Mascetti, personnage incarné dans Amici Miei par Ugo Tognazzi, ou alors la plantureuse starlette Valeria Marini.

Tout aussi inutiles, les votes qui sont allés par exemple à Capitan Ultimo, le super-policier Sergio De Caprio, qui s'était rendu célèbre pour avoir arrêté le boss mafieux Toto Riina, au journaliste Michele Cocuzza et à l'actrice Sophia Loren.

Même chose pour les parlementaires qui ont donné leurs voix au vieux démocrate-chrétien, Arnaldo Forlani, 87 ans, à la petite-fille du dictateur Benito Mussolini, Alessandra mais aussi à l'ex-président de la Chambre des députés Gianfranco Fini ou à l'égérie de la droite berlusconienne Daniela Santanché.