Le Parquet de Rome a donné son feu vert au transfert et l'ouverture de la tombe d'un criminel, aujourd'hui enterré dans une église romaine, et soupçonné d'avoir enlevé en 1983 la fille d'un employé du Vatican.

Le 22 juin 1983, Emanuela Orlandi, alors âgée de 15 ans, fille d'un employé de la Préfecture de la maison pontificale, disparaissait à la sortie d'un cours de musique place Saint-Apollinaire à Rome. Elle n'a jamais été retrouvée.

Ce mystère qui mêle haute criminalité et soupçons de règlements de compte au Vatican n'a jamais cessé d'émouvoir l'Italie.

Les soupçons se sont portés sur l'un des chefs de la bande de la Magliana, qui a terrorisé l'Italie dans les années 1970 et 1980, Enrico de Pedis, tué en 1990. Pour des raisons inexpliquées, la sépulture de ce «boss», soupçonné d'être lié à la fois à la mafia, la loge maçonnique P2 et des secteurs de la finance du Vatican, avait été transférée la même année dans la basilique Saint-Apollinaire, un privilège rare.

Une femme, Sabrina Minardi, maîtresse du malfrat à l'époque, a affirmé qu'il était impliqué dans l'enlèvement et le meurtre de la jeune fille.

En septembre 2005, lors d'une émission télévisée consacrée à la recherche des personnes disparues, un homme avait préconisé l'inspection de cette tombe, dont la présence dans une église suscitait par ailleurs de nombreuses critiques.

Mardi soir, le Parquet de Rome a ordonné le transfert et l'ouverture de cette fameuse tombe, dont l'ouverture et l'inspection devraient intervenir «avant la fin mai» selon les media italiens.

La famille d'Emanuela Orlandi, notamment son frère Pietro qui ne cesse de mener campagne pour que lumière soit faite, accuse depuis longtemps le Vatican --ou du moins des prélats au Vatican-- de silence, voire de complicité.

Le 14 avril dernier, le Vatican avait affirmé avoir coopéré «avec engagement et transparence» avec les autorités italiennes pour clarifier cette affaire. Il avait promis que si les enquêteurs souhaitaient rouvrir le cas, ils trouveraient «comme toujours, une collaboration appropriée» du Vatican.

Récemment, le prédicateur de la maison pontificale, Raniero Cantalamessa, a lancé devant le pape : «Combien de délits atroces restés, ces derniers temps, sans coupable, combien d'affaires irrésolues dans notre Italie!».

Pour la presse italienne, il ne faisait aucun doute qu'il visait l'affaire Orlandi, dans laquelle toutes sortes de pistes ont été évoquées : de liens présumés de l'enlèvement avec Ali Agca, l'agresseur turc du pape Jean Paul II, jusqu'à un rôle de l'ancien président américain de l'Institut pour les oeuvres de religion (IOR, banque du Vatican), Paul Marcinkus, ou l'implication de services secrets. Mais rien n'a été prouvé.