Le monde paysan français a exprimé son malaise et sa colère vendredi en France et réclamé d'urgence un plan massif du gouvernement, les exploitants de la première puissance agricole d'Europe ayant vu leur revenu s'effondrer avec la chute des cours de leurs produits.

Les agriculteurs français ont multiplié les mobilisations depuis des mois, avec leur cortège d'animaux lâchés, de fruits et légumes déversés devant des préfectures ou le ministère à Paris. Le mouvement des producteurs de lait, notamment, a pris une ampleur européenne en septembre pour protester contre la baisse des prix et la perspective d'une suppression en 2015 du système de quotas qui régulait le marché depuis les années 1980.

Mais cette fois, c'est tout le secteur agricole français que la Fédération des syndicats des exploitants agricoles (FNSEA), principale organisation représentative, a appelé à manifester pour exiger un soutien massif et une politique à même de soutenir les cours.

«Fruits et légumes, viticulture, lait, viande bovine : il y a une grande détresse de toutes les productions», il faut «un vaste plan d'urgence, a déclaré sur la radio France Inter Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA.

«Le président Sarkozy n'a pas hésité à soutenir les banques, l'automobile», a-t-il souligné, chiffrant les mesures nécessaires à 1,4 milliard d'euros dont 400 millions d'aide d'urgence.

La FNSEÀ a affirmé avoir mobilisé 52000 agriculteurs dans toute la France.

À Paris, une cinquantaine de céréaliers ont notamment installé des barrières de chantier et des bottes de paille sur les Champs-Elysées, enflammant des pneus et coupant complètement pendant deux heures la circulation de plusieurs avenues du quartier, avant de rejoindre une autre manifestation sur l'esplanade des Invalides. Des colonnes de tracteurs entamaient au même moment des opérations escargot sur des routes du pays.

«Le monde agricole est en train de crever», a expliqué dans la capitale Damien Greffin, président des Jeunes agriculteurs (JA) de la région Ile-de-France. Il a expliqué travailler à perte, un kilogramme de blé se vendant selon lui actuellement 9 centimes, pour un prix de production de 14 centimes.

Lait, légumes et fruits, viticulture, viande (bovine et porcine) ou encore céréales: les prix agricoles ont baissé de 2,5% en août, et de 15% sur un an, selon l'Institut national de statistique (Insee).

Sous pression depuis sa nomination en juin, le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire a admis jeudi que les agriculteurs français avaient perdu «de 10 à 20%» de leur revenu en 2009, après déjà 20% en 2008. Il a annoncé qu'il ferait des propositions pour un plan global de soutien au secteur.

Une éventualité que n'a guère détaillée à ce stade le président Nicolas Sarkozy, promettant des «initiatives fortes» d'ici la fin octobre, dans un entretien publié vendredi par le journal Le Figaro.

«L'agriculture et la ruralité sont deux éléments de notre identité nationale (...); je n'accepterai jamais que l'agriculture française, comme européenne, soit sacrifiée sur l'autel d'une mondialisation anarchique», a-t-il dit.

Selon les chiffres de l'Insee, le nombre de personnes employées dans l'agriculture en France (1 million en 2007) a baissé de moitié en vingt ans, de même que celui des exploitations.

M. Sarkozy s'est surtout fait l'avocat d'une «nouvelle régulation agricole (...) qui garantira aux agriculteurs un juste prix de leur travail». La France «sera au premier rang de ce combat», a-t-il ajouté.

Paris, avec Berlin, a obtenu le soutien d'une majorité des pays membres de l'Union européenne contre la dérégulation prévue du marché agricole européen, s'opposant aux partisans de sa libéralisation comme notamment la Grande-Bretagne et le Danemark.