D'abord, il y a, le 8 juillet 2006, le drame et l'humiliation pour la jeune mariée: chassée par son beau-père et ramenée chez elle en pleine nuit de noces... parce qu'elle n'est pas vierge. Contrairement à ce que croyait son mari, un ingénieur de 30 ans, marocain et musulman comme elle.

Arrive ce qui finalement constitue pour elle un «soulagement» et une «libération»: le 1er avril 2007, le tribunal de Lille accède à la demande des époux et prononce l'annulation pour cause d'«erreur sur une qualité essentielle» d'un des deux conjoints. Après le premier choc, la jeune étudiante infirmière de 20 ans, «traumatisée» dit son avocat, a préféré l'annulation par consentement mutuel. Elle veut tourner la page et tout oublier.

 

Malheureusement pour elle, le verdict de Lille finit par sortir dans les journaux, début juin. Tempête médiatique. On constate alors qu'un mariage vient d'être annulé pour «erreur sur une qualité essentielle du conjoint», et que cette «qualité essentielle» est la virginité de la jeune mariée. Alors que cette disposition jusqu'à présent visait des «tromperies» sur des éléments d'un tout autre niveau: un lourd casier judiciaire, un passé de prostituée, un cas de bigamie, une anomalie physique majeure.

Dans un premier temps, la ministre de la Justice, Rachida Dati, donne instruction au Parquet de ne pas faire appel - pour «protéger la personne qui veut se défaire du mariage». Elle-même d'origine algéro-marocaine, elle avait dû il y a une douzaine d'années batailler pour faire annuler un mariage «arrangé» par sa famille.

Mais c'est le tollé à gauche comme à droite: au gouvernement, la ministre de la Ville, Fadela Amara, issue de l'immigration et ancienne présidente de Ni putes ni soumises, parle de soumission à une «fatwa». Valérie Létard, en charge des Droits de la femme, se dit «consternée» et évoque «une régression du statut de la femme». Pouvait-on laisser un tribunal créer une jurisprudence et ouvrir ainsi la porte à des répudiations en série sous prétexte de «non-virginité» ?

»Annulation annulée»

Il y a donc eu appel, et l'annulation du mariage s'est trouvée suspendue, même si les deux époux vivent séparés depuis. Du côté du ministère public comme pour l'avocat de la jeune femme, on avait plaidé auprès de la Cour d'appel en faveur d'un arrangement juridique: le maintien de l'annulation de mariage, mais pour un motif autre, tel que «l'erreur sur la personne» ou le «défaut de cohabitation».

Hier, le tribunal de Douai a refusé ces contorsions juridiques et... annulé l'annulation. Reste maintenant aux deux époux malgré eux à entamer une procédure de divorce par consentement mutuel. Celui qui espérait ne jamais avoir été marié est donc condamné - sauf appel devant la Cour de cassation - à être un jeune divorcé. Et pour lui ce n'est pas la même chose.