« Je suis un léniniste. Lénine voulait détruire l'État, et c'est également mon objectif. Je veux tout foutre en l'air, et détruire tout l'establishment actuel. »

À l'époque où il prononçait cet énoncé de mission, Steve Bannon était à la tête de Breitbart News, le site d'information préféré de nombre de nationalistes blancs et amateurs de théorie de complot. Depuis, il a nié avoir tenu de tels propos à un journaliste du Daily Beast. Mais le stratège principal de Donald Trump occupe désormais un poste qui lui permet de mettre à exécution ses idées les plus controversées.

Et le président a accru ses pouvoirs au cours du dernier week-end, semant l'inquiétude chez plusieurs experts de la sécurité nationale.

Durant les premiers jours chaotiques de l'administration Trump, Steve Bannon a fait sentir son influence de plusieurs façons.

Il a participé à la rédaction du sombre discours d'investiture du 45e président. Il a amplifié les critiques de son patron à l'égard des médias, les priant de « la fermer ». Et il a contribué à l'élaboration du décret anti-immigration qui a provoqué colère et chaos dans les aéroports des grandes villes américaines.

Mais la controverse autour de ce décret a relégué dans l'ombre la signature d'une note présidentielle conférant à Bannon un statut aussi important que celui du chef du Pentagone ou du secrétaire d'État.

UN PRÉCÉDENT

La note crée un précédent en faisant une place permanente à Bannon au sein du Conseil de sécurité nationale (CSN), qui débat des questions les plus sensibles auxquelles font face les États-Unis. En font notamment partie le secrétaire d'État, le secrétaire à la Défense, le secrétaire au Trésor, le secrétaire à la Sécurité intérieure, le conseiller à la sécurité nationale et le secrétaire général de la Maison-Blanche.

Tout en annonçant la promotion de Bannon, la note présidentielle précise que deux des membres permanents du CSN ne participeront plus qu'occasionnellement à ses réunions. Il s'agit du directeur du renseignement national et du chef d'état-major des armées. Ceux-ci ne seront plus conviés aux réunions du Conseil que si les sujets abordés les concernent directement.

Robert Gates, secrétaire à la Défense sous George W. Bush et Barack Obama, a dénoncé ces rétrogradations, dimanche.

« Je pense que les évincer des réunions du Conseil de sécurité nationale, sauf quand des questions spécifiques sont abordées, est une grosse erreur », a-t-il dit à ABC. « Je pense que chacun d'eux apporte une perspective, un jugement et une expérience que tous les présidents, qu'ils le veuillent ou non, trouvent utile. »

Susan Rice, conseillère pour la sécurité nationale sous Obama, s'est montrée plus cinglante sur Twitter.

« C'est complètement dingue », a-t-elle gazouillé. Et d'ajouter, sur un ton sarcastique : « Qui a besoin de conseils militaires ou de renseignement quand on décide de la stratégie à adopter envers l'EI, la Syrie, l'Afghanistan ou la Corée du Nord ? »

Par le passé, les administrations américaines ont toujours vu d'un mauvais oeil la présence permanente d'un conseiller politique lors des réunions du CSN. Le secrétaire général de la Maison-Blanche sous George W. Bush avait notamment interdit au stratège Karl Rove d'assister aux réunions. Sous Obama, le stratège David Axelrod avait assisté à certaines réunions, mais Bannon sera le premier à avoir un siège permanent au sein du CSN.

UN ANCIEN DE GOLDMAN SACHS

Un précédent qu'a défendu dimanche le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer, qui a vanté le parcours de Bannon, un ancien de Goldman Sachs aujourd'hui âgé de 62 ans.

« Il était officier de marine et il a une compréhension fantastique du monde et du paysage géopolitique dans lequel nous nous trouvons », a-t-il dit.

Avant de prendre la tête de Breitbart News, Bannon a produit des documentaires célébrant certaines personnalités conservatrices, dont Sarah Palin. Il a cependant dû attendre Donald Trump pour trouver le candidat qui le mènerait au faîte du pouvoir. Qu'il soit ou non un léniniste, il peut aujourd'hui aider le président à relancer les États-Unis ou à tout foutre en l'air.