Le volcan islandais qui a paralysé le trafic aérien européen pendant cinq jours il y a un an était bel et bien dangereux pour les avions de ligne, affirme une étude publiée à la fin d'avril. Les 10 millions de voyageurs qui ont dû changer leurs plans, voire camper dans les aéroports, n'ont pas subi ces inconvénients en vain.

«Quand c'est arrivé, j'ai eu de gros problèmes logistiques», explique Susan Svane Stipp, ingénieure civile et hydrogéologue à l'Université de Copenhague, auteure principale de l'étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. «Mon laboratoire a une équipe nombreuse et je devais réviser les déplacements de tout le monde. Je n'arrivais pas à croire qu'il était absolument nécessaire de fermer un espace aérien aussi immense.»

Pertes

La fermeture, qui a duré 6 jours à partir du 14 avril, a causé des pertes de 1,5 à 2,5 milliards d'euros, selon Mme Stipp. Plus de 100 000 vols ont été annulés.

La Commission européenne a compensé une partie des pertes des transporteurs, estimées à 1,7 milliard d'euros par l'Association internationale du transport aérien. Une vingtaine de pays de l'Europe du Nord ont été touchés, dont certains ont dû fermer une partie de leur espace aérien jusqu'au début de mai.

Après sa phase initiale, à la mi-avril, l'éruption est devenue moins dommageable pour le trafic aérien et le volcan a cessé son activité en octobre dernier. Les signes avant-coureurs de l'éruption avaient apparu en mars.

L'ingénieure s'est servie de son expertise - elle dirige le Centre de nanoscience de son université - pour explorer les caractéristiques et le comportement des particules de cendres émises par le volcan. Son verdict: elles étaient particulièrement abrasives pour le métal des moteurs d'avion et auraient certainement provoqué plusieurs écrasements. Elles auraient aussi pu s'accumuler et fondre dans les moteurs, qu'elles auraient remplis d'un liquide visqueux et forcés à s'arrêter. Les vitres des hublots et du cockpit auraient aussi pu être transpercées par abrasion. Les particules avaient pour la plupart une taille inférieure à 0,3 mm.

«Il n'y avait rien dans la littérature sur le lien entre la taille des particules de cendre volcanique et la nécessité de fermer des espaces aériens, dit Mme Stipp. Je ne m'étais jamais penchée sur ce type de question, mais je savais que je pourrais déterminer le comportement des particules du volcan Eyjafjallajökull. Avec des collègues islandais, nous avons mesuré la taille des particules. Dans les premiers jours, elles étaient 10 fois moins grosses que dans une éruption normale. Elles étaient aussi plus tranchantes et restaient en suspension dans les airs plus longtemps à cause de leur faible dimension. Un glacier se trouvait au-dessus du volcan, ce qui a causé des explosions particulières quand le magma brûlant est entré en contact avec l'eau. Les cendres ont été projetées très haut et ont acquis leur taille et leur forme si dommageables pour les avions.»

Les avions de ligne peuvent voler à une altitude supérieure aux 10 km qu'a atteints le panache, selon Mme Stipp. «Mais, pour atteindre cette altitude, il aurait fallu qu'ils traversent le nuage. C'était vraiment mieux de tout arrêter, comme cela a été fait.»

Nouvel instrument

L'ingénieure danoise veut maintenant mettre au point un instrument de prise de décision pour l'industrie aérienne, en fonction de la taille des particules de cendre volcanique. «Il faudrait déterminer en moins de 6 heures si la cendre est dangereuse pour les avions et en moins de 24 heures la grandeur de l'espace aérien qu'il faut fermer», dit-elle.