Cette semaine, un vent de panique a soufflé sur l'Occident après que deux infirmières américaines eurent contracté le virus Ebola en soignant un patient libérien hospitalisé au Texas. Mais qu'arriverait-il si un patient infecté arrivait au Québec? La Presse a interrogé plusieurs acteurs du réseau pour établir le parcours que suivrait ce malade.

Scénario 1

Arrivée par avion

Chaque semaine, une trentaine de voyageurs provenant d'Afrique de l'Ouest atterrissent au Canada. La quasi-totalité de ces passagers arrive à Montréal et à Toronto, confirme l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC). 

Puisqu'aucun vol direct ne relie les pays touchés par l'épidémie d'Ebola et le Canada, ces passagers arrivent «en passant par la France, la Belgique, Londres, le Maroc et les États-Unis», affirme l'ASPC. Toutes ces personnes doivent rencontrer à leur arrivée un agent de quarantaine de l'ASPC pour une «évaluation de santé mandatoire [obligatoire]». 

Leur température est prise et une courte évaluation de santé est faite. «Ceci pourra aussi comprendre une évaluation physique non invasive, telle qu'une évaluation de la tête, du cou et des extrémités du voyageur», écrit le porte-parole de l'ASPC, Patrick Gaebel. 

Les cas suspectés d'Ebola dans les aéroports sont transportés par ambulance vers les centres délégués, soit le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) s'il s'agit d'un adulte ou vers le CHU Sainte-Justine s'il s'agit d'un enfant. 

«Aussitôt qu'un cas suspect est détecté à l'aéroport, l'hôpital est appelé et a le temps de se préparer à l'arrivée du patient», explique la Dre Anne Fortin, responsable de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Scénario 2

Un patient tombe malade à la maison


Il peut s'écouler jusqu'à 21 jours entre le moment où une personne contracte le virus Ebola et l'apparition de la fièvre et des premiers symptômes. Un patient qui voit ses symptômes apparaître à la maison risque donc de se présenter dans n'importe quel hôpital de la province. C'est pourquoi l'INSPQ a fait parvenir des directives détaillées à tous les établissements du Québec dès cet été.

Le triage

Dès son arrivée, une personne qui se présente à l'hôpital avec de la fièvre est invitée, par des affiches au mur, à mettre un masque et à s'asseoir dans un coin isolé de la salle d'attente. «Dès le triage ou le prétriage, elle se fait demander si elle a voyagé dans les régions touchées par l'Ebola», affirme le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda. Les patients qui font de la fièvre et qui ont voyagé dans les pays touchés sont aussitôt placés dans une salle isolée des urgences. «Les gens qui vont voir ce patient dans cette salle doivent porter des vêtements de protection», affirme la Dre Fortin.

 Le diagnostic

Un médecin examine ensuite le patient et s'il suspecte toujours la présence d'Ebola, une conférence téléphonique a lieu. 

«J'y participe, ainsi que la direction régionale de santé publique et les responsables en maladies infectieuses de l'établissement, et on voit s'il y a lieu de faire un test de dépistage de l'Ebola. Dans la plupart des cas, les critères épidémiologiques ne sont pas là et on écarte le diagnostic d'Ebola», résume la directrice du Laboratoire de santé publique du Québec, Cécile Tremblay. 

Mais si on suspecte réellement que le malade peut être atteint du virus, des prélèvements sont envoyés au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg et à celui du Québec, à Sainte-Anne-de-Bellevue, qui, depuis deux semaines, est maintenant outillé pour faire ce genre de tests de dépistage. 

«C'est pour éviter que Winnipeg ne soit submergé de demandes. Ça permet aussi d'éviter les délais de transport par avion. En faisant les tests ici, on a les résultats en quatre heures», explique Mme Tremblay, qui ajoute que les tests sont tout de même envoyés à Winnipeg pour des raisons de «contrôle de qualité». 

Dès que des prélèvements sont envoyés aux fins d'analyse, la direction régionale de santé publique d'où provient le patient se retrouve sur un pied d'alerte. Elle prend contact avec tous les proches du patient pour savoir combien de personnes ont été en contact avec lui. Ces personnes sont placées en observation, c'est-à-dire qu'on leur demande de prendre leur température deux fois par jour et d'avertir les autorités sanitaires si jamais elles font de la fièvre.

Le transport

Si le test effectué sur le patient se révèle positif - ce qui n'est pas encore arrivé au Canada -, un transfert vers l'un des deux hôpitaux de référence est organisé. 

Seules des équipes spéciales d'Urgences-santé ont reçu les formations nécessaires pour transporter ces patients. Les ambulanciers porteront alors des tenues de protection et installeront le patient dans une tente portative isolante durant le transport. «Une vingtaine de paramédicaux sont déjà formés et on est en train de préparer douze autres équipes, puisque c'est nous qui sommes chargés d'effectuer ce transport sur tout le territoire de la province», explique le directeur de la qualité de soins préhospitaliers à Urgences-santé, Claude Desrosiers.

L'hospitalisation

Une fois arrivé à l'hôpital de référence, le patient est installé dans une salle à pression négative du service des soins intensifs. Chef du département de microbiologie du CHUM, le Dr François Coutlée mentionne qu'une équipe d'infirmières spécialisées, qui a reçu une formation pour soigner ce type de patient, s'occupera de ces cas. 

«L'infirmière affectée au patient ne s'occupera que de lui», dit-il. Des formations pour enseigner aux infirmières à mettre adéquatement et à retirer leur tenue de protection ont déjà été offertes au CHUM et continueront de l'être. «On demande entre autres aux infirmières d'être toujours deux quand elles retirent la tenue: une qui l'enlève et une autre qui regarde et qui arrête sa collègue si elle détecte la moindre faille dans le processus», dit le Dr Coutlée.

En cas de décès

Aucun traitement n'existe pour soigner l'infection à l'Ebola, dont le taux de mortalité est d'environ 50%. Un vaccin expérimental canadien est toutefois en train d'être testé. 

Dans une conférence de presse plus tôt ce mois-ci, la ministre fédérale de la Santé, Rona Ambrose, expliquait que quelques doses de ce vaccin se trouvent dans un hôpital ontarien et pourraient être utilisées sur des patients canadiens si nécessaire. Si un patient atteint guérit, il pourra obtenir son congé de l'hôpital «à partir du moment où il n'aura plus besoin de soins», affirme la Dre Fortin. 

«On lui laissera toutefois une série de directives claires. Par exemple, on sait que le virus continue de se retrouver dans le sperme jusqu'à trois mois après l'infection. On va demander aux patients de se protéger», explique-t-elle. 

Mais si le patient meurt, des mesures très strictes seront suivies pour disposer du corps. «Les protocoles sont écrits. Je sais que le corps sera déplacé le moins possible et qu'il sera obligatoirement incinéré avec tous les effets du patient», note le Dr Coutlée.

Celui-ci affirme également que même si un vent de panique a touché l'Occident cette semaine, le Québec a établi rapidement plusieurs protocoles d'intervention et est prêt à faire face à la maladie.