Onze personnes ont été tuées au cours des dernières 24 heures dans l'Est séparatiste de l'Ukraine où la situation s'est détériorée d'un cran mercredi, à la veille d'un vote sur une réforme constitutionnelle censée apaiser le conflit.

Kiev a fait état de huit soldats tués et seize autres blessés, bilan record depuis cinq semaines. Les autorités rebelles ont pour leur part annoncé la mort de deux de leurs combattants et d'une civile tués par des tirs de l'armée ukrainienne, selon l'agence officielle séparatiste DAN.

Les tirs subis par l'armée ukrainienne au cours des dernières 24 heures «ont été parmi les plus nourris depuis la signature des accords (de paix) de Minsk» conclus en février et qui ont été suivis d'une trêve plus ou moins respectée, a accusé le Conseil de sécurité ukrainien dans un communiqué.

Les séparatistes et la Russie qui les soutient cherchent à «ruiner les accords de Minsk et à reprendre les hostilités», a-t-il renchéri.

Ce nouveau regain de violence intervient à la veille d'un vote au Parlement ukrainien sur un projet de réforme constitutionnelle visant à octroyer davantage d'autonomie aux régions de l'Est séparatiste.

L'Occident considère cette réforme comme un pas vers le règlement politique du conflit, qui a fait plus de 6500 morts en quinze mois, et pousse les autorités pro-occidentales de Kiev à trouver un accord avec les rebelles.

Beaucoup en Ukraine y voient toutefois une tentative de geler le conflit, craignant qu'une telle perspective ne freine le développement du pays pour des décennies.

Plus d'autonomie pour les régions 

Fait sans précédent, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande ont pris l'initiative de téléphoner mardi soir au président du Parlement ukrainien, Volodymyr Groïsman, pour évoquer le sujet.

Les deux chefs d'État «se sont félicités du début de la réforme constitutionnelle axée sur la décentralisation» et ont appelé à «prendre en compte les particularités» des territoires sous contrôle rebelle, «comme le prévoient les accords de Minsk», a indiqué mercredi l'ambassade allemande en Ukraine.

La secrétaire d'État adjointe américaine Victoria Nuland, arrivée à Kiev mercredi, a également abordé le sujet lors d'une rencontre avec le président du Parlement et restera à Kiev jeudi, jour du premier examen par les députés du projet de réforme.

Elle a «souligné à plusieurs reprises l'importance du vote de demain», a indiqué à l'AFP une source parlementaire.

Le projet de réforme octroie davantage de pouvoirs aux conseils des élus régionaux et locaux, mais, contrairement aux attentes des rebelles, il ne confirme pas définitivement le statut semi-autonome des territoires sous leur contrôle.

Selon le projet de réforme, ce statut devrait être déterminé par une loi séparée et pour seulement une durée de trois ans.

Selon des médias et hommes politiques ukrainiens, les Occidentaux réclamaient à Kiev d'intégrer ce statut dans sa Constitution, une idée très mal vue en Ukraine.

La vice-présidente du Parlement Oksana Syroïd a ainsi déclaré sur sa page Facebook mercredi que les députés subissaient «une folle pression (...) de la part de la communauté internationale» insistant sur l'adoption de cette initiative.

Les Occidentaux «l'expliquent par la nécessité de ''démontrer le respect des accords de Minsk'' (...) Est-ce que quelqu'un croit que cette ''démonstration'' va arrêter le Kremlin?» accusé par Kiev et les Occidentaux d'envoyer des armes et des troupes en Ukraine, s'est-elle interrogée.

«Le monde (...) est fatigué et veut se débarrasser de ce sujet», a encore poursuivi la députée. Comme plusieurs autres figures publiques en Ukraine, Mme Syroïd a estimé que cette initiative pourrait finir par «légitimer» les rebelles et «sonner le glas des perspectives européennes de l'Ukraine», voire de «l'État ukrainien».

Deux hauts responsables de l'exécutif ukrainien ont pour leur part déclaré séparément à l'AFP que Kiev, sous perfusion financière de l'Occident, ne pouvait pas se permettre d'ignorer les demandes de ses partenaires occidentaux.

En cas d'approbation, la réforme devra encore être confirmée par un deuxième vote de deux tiers des députés en automne, ce qui ne s'annonce pas aisé.