La région du Donbass, fief des rebelles prorusses, n'«a plus rien à voir avec l'Ukraine», a déclaré mardi à l'AFP un dirigeant séparatiste, le «vice-premier ministre» de la «République de Donetsk» (est), Andreï Pourguine.

«Le Donbass est administré de manière complètement autonome, ce territoire n'a plus rien à voir avec l'Ukraine», a indiqué M. Pourguine, en réagissant à l'adoption par Kiev d'une loi garantissant une plus grande autonomie aux régions de Donetsk et Lougansk, dans l'est de l'Ukraine, actuellement largement contrôlées par les séparatistes.

«L'Ukraine est libre d'adopter les lois qu'elle veut. Mais nous n'envisageons aucun lien de type fédéral avec l'Ukraine», a-t-il souligné.

M. Pourguine a toutefois précisé que les dirigeants séparatistes allaient «étudier soigneusement» la loi adoptée mardi par le Parlement ukrainien.

«Peut-être pourrons-nous mener un dialogue (avec Kiev) sur certains points, notamment économiques ou socioculturels», a-t-il ajouté.

Autonomie élargie, élections et amnistie

Le président ukrainien Petro Porochenko a soumis mardi au Parlement des projets de loi garantissant davantage d'autonomie aux régions séparatistes prorusses de l'Est russophone, des élections le 7 décembre et l'amnistie sous conditions pour les rebelles.

Deux projets de loi ont été déposés au Parlement: l'un portant sur un «statut spécial» pour certains districts des régions de Lougansk et de Donetsk, l'autre sur une amnistie sous conditions pour les «participants aux événements de Donetsk et Lougansk», selon les textes publiés mardi sur le site officiel de la Rada, le Parlement ukrainien.

Ces projets de loi étaient prévus par le plan de paix défini le 5 septembre à Minsk par l'ambassadeur de Russie à Kiev Mikhaïl Zourabov, l'ancien président ukrainien Leonid Koutchma, deux représentants séparatistes et l'OSCE.

Ce plan a permis l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu qui est violé de plus en plus régulièrement. Le projet de loi sur un «statut spécial» comprend la mise en place d'un gouvernement autonome provisoire, qui prendrait ses fonctions dès l'adoption de la loi, et ce pour trois ans.

Les séparatistes ont déjà indiqué qu'ils rejetaient l'offre de Kiev pour accéder à une plus grande autonomie et réclament leur indépendance.

Le projet de loi promet également d'aider à reconstruire les infrastructures endommagées par cinq mois de combats, et de fournir une aide économique et sociale aux populations.

Le président Porochenko propose également des élections au niveau «des districts, des conseils municipaux, des conseils de villages» dans «certains districts des régions de Donetsk et de Lougansk le dimanche 7 décembre».

La présidence indiquait lundi que ces propositions ouvraient la voie à une décentralisation tout en garantissant «la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de notre État».

Les députés devront également débattre de la possibilité d'une amnistie des «participants aux événements de Donetsk et Lougansk».

Le projet de loi exempte de poursuites pénales et administratives les combattants, sauf ceux qui se sont rendus notamment coupables de «meurtres, viols et terrorisme». Sont également exclus de cette amnistie les responsables de la destruction en vol du Boeing de Malaysia Airlines en juillet, ayant fait 298 morts.

Une riche région industrielle

Le conflit armé entre les forces armées ukrainiennes et les rebelles prorusses, qui veulent leur indépendance, a fait en cinq mois plus de 2700 morts, en grande majorité des civils. Il a aussi provoqué d'énormes destructions dans les régions de Donetsk et Lougansk, les deux principales villes du Donbass.

La région du Donbass, dont le nom vient d'un immense bassin houiller, est connue avant tout par son industrie du charbon.

Cette riche région industrielle située dans le sud-est de l'Ukraine et à la frontière avec la Russie contribuait à hauteur d'environ 16 % du PIB ukrainien avant le conflit, selon des statistiques officielles.

Quelque 27 % des exportations ukrainiennes provenaient des régions de Donetsk et de Lougansk.

Avant l'éclatement du conflit entre les autorités ukrainiennes pro-européennes et les rebelles prorusses, Donetsk, la plus grande ville du Donbass, avec un million d'habitants, était également la ville la plus prospère d'Ukraine, après Kiev selon ces statistiques.

Lougansk, ville de 470 000 habitants avant le début du conflit, abrite d'importantes usines de constructions mécaniques, de constructions métallurgiques, ainsi que des entreprises d'industrie légère.

Les combats se poursuivent

Cinq civils et trois soldats ukrainiens ont péri au cours des dernières 24 heures dans l'est de l'Ukraine où rebelles prorusses et militaires s'affrontent en dépit du cessez-le-feu, selon un nouveau bilan officiel annoncé mardi.

Le précédent bilan publié dans la matinée faisait état de quatre civils tués.

À Donetsk, grande ville industrielle et fief séparatiste, où les bombardements se sont poursuivis dans la soirée et au cours de la nuit selon des journalistes de l'AFP, «trois personnes ont été tuées lundi et cinq ont été blessées», a indiqué la mairie. Un quatrième civil a été tué lundi à Makiïvka, tout près de Donetsk, a ajouté la mairie.

Mardi matin, un obus a touché un bus tuant une femme sur le coup, selon la même source. Il n'était pas dans l'immédiat possible de déterminer l'origine des tirs ayant causé la mort des civils.

Le Conseil national de sécurité et de défense a de son côté indiqué que trois soldats ukrainiens avaient été tués au cours des dernières 24 heures et deux avaient été blessés, sans autre précision.

Les bombardements dans le fief rebelle de Donetsk, qui a connu d'intenses combats depuis le début du conflit en avril, avaient tué dimanche six personnes parmi la population, le plus lourd bilan depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 5 septembre entre Kiev et les insurgés.

Selon un porte-parole militaire, les rebelles visent les positions des forces ukrainiennes aux abords de l'aéroport, qui est sous contrôle ukrainien, sans parvenir à provoquer leur retrait.