Le président ukrainien Petro Porochenko s'est dit prêt jeudi à conclure un accord de paix avec son homologue russe Vladimir Poutine pour mettre fin à une insurrection séparatiste dans l'est de l'Ukraine, avant l'expiration d'une trêve fragile.

«Je suis prêt à faire la paix avec tout le monde», a déclaré le président en réponse à une question sur la possibilité d'un accord de paix avec l'homme fort du Kremlin, dans un entretien à la chaîne de télévision américaine CNN. «Je déteste l'idée de ne pas utiliser la moindre occasion pour rétablir la paix dans la région», a-t-il ajouté.

Alors que la trêve expire vendredi à 19H00 GMT et à la veille de la signature d'un accord commercial crucial entre Kiev et l'Union européenne, vu d'un mauvais oeil par Moscou, les Occidentaux ont haussé le ton contre la Russie.

Des représentants de Kiev et des responsables séparatistes ont toutefois poursuivi une 3e série de négociations indirectes à Donetsk qui pourraient aboutir à une prolongation de la trêve.

Les combats (plus de 400 morts depuis avril) se sont poursuivis ces derniers jours dans le bassin industriel russophone du Donbass, dont une attaque rebelle contre une caserne jeudi soir, malgré un cessez-le-feu décrété par Kiev et accepté par un chef rebelle.

«Il est crucial que la Russie montre dans les prochaines heures qu'elle travaille au désarmement des séparatistes, qu'elle les encourage à désarmer, qu'elle les appelle à déposer les armes et à participer à un processus légitime», a asséné le secrétaire américain John Kerry à l'issue d'un entretien à Paris avec son homologue français Laurent Fabius.

Des «stéréotypes de la Guerre froide», selon Moscou

Poussée de toutes parts à agir concrètement, la Russie a dénoncé «des tentatives simplistes» de lui imputer «l'entière responsabilité» de la situation, et a dénoncé des commentaires de l'OTAN sur l'absence de résultats concrets émanant de Moscou, stigmatisant des «stéréotypes issus de la Guerre froide», selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.

Mercredi soir déjà, le président américain Barack Obama avait menacé la Russie de nouvelles sanctions si elle ne prenait pas des «initiatives concrètes immédiates pour faire cesser l'envoi d'armes et de militants à travers la frontière».

Dans un entretien téléphonique jeudi, le président Poutine a insisté auprès de la chancelière allemande Angela Merkel sur «la nécessité de prolonger la trêve». Il l'a également assurée qu'il était entièrement favorable à la reprise du dialogue entre les parties en conflit.

Jeudi soir en plein centre de Donestk, fief rebelle, environ 200 insurgés armés ont attaqué une caserne d'une unité de la Garde nationale ukrainienne après avoir lancé un ultimatum aux troupes pour se rendre, a constaté un journaliste de l'AFP. L'attaque a été repoussée, a indiqué la Garde nationale.

Le président ukrainien avait brandi la menace d'une levée du cessez-le-feu après la mort de neuf soldats dans la destruction d'un hélicoptère. Sa prorogation souhaitée par Moscou reste incertaine étant donné les «violations massives» du cessez-le-feu que l'armée ukrainienne a affirmé avoir constaté.

Pour tenter d'apaiser la situation, le président ukrainien doit présenter au Parlement une réforme accordant plus de pouvoirs aux régions : élection des gouverneurs par les élus locaux (et non pas nomination par Kiev) et usage élargi de la langue russe dans l'enseignement et les entreprises.

Mais cette décentralisation ne va pas jusqu'à la mise en place de la structure fédérale demandée par la Russie, un moyen, selon certains observateurs, de conserver son influence sur l'Est russophone en dépit du rapprochement avec l'UE.

Signature d'un accord à l'origine de la crise

L'accord commercial que doit signer Kiev avec Bruxelles vise en particulier à supprimer l'essentiel des barrières douanières entre l'Ukraine et les pays de l'UE.

La signature du document était initialement prévue pour novembre dernier, avant la volte-face de Viktor Ianoukovitch, qui a préféré se tourner vers la Russie pour obtenir une aide économique alors que l'Ukraine, une ex-république soviétique, subit une récession quasi permanente depuis plus de deux ans.

Ce retournement de situation avait provoqué le mouvement de contestation qui a conduit à la chute du président, suivie du rattachement de la Crimée à la Russie, puis de l'insurrection séparatiste dans l'est.

La Russie a averti mercredi qu'elle prendrait des «mesures de protection» s'il s'avérait que les accords d'association qui doivent être signés vendredi entre l'UE et l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, nuisaient à son économie.

Des négociations sont prévues le 11 juillet entre l'UE, Moscou et Kiev au niveau ministériel, concernant les conditions de l'application de l'accord.

«La tension va monter» avec la signature de cet accord, ont estimé les analystes du centre spécialisé dans les relations internationales Eurasia Group.