Le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, exclut toute intervention militaire pour forcer la Russie à retirer ses troupes d'Ukraine.

Il refuse cependant de faire une croix sur des sanctions supplémentaires, y compris l'expulsion de l'ambassadeur russe à Ottawa.

«Je ne crois pas que quiconque envisage une intervention militaire occidentale, qu'il s'agisse de nos amis ou de nos alliés», a-t-il déclaré sur les ondes de l'émission West Block, sur la chaîne Global.

«Ce que nous faisons, c'est travailler ensemble pour affirmer, dans des termes très clairs, que cela est complètement inacceptable et le condamner dans les termes les plus virulents.»

Les propos de M. Baird étaient mordants; il a qualifié l'invasion de troupes russes d'«agression à la soviétique» et a rejeté les arguments du Kremlin selon lesquels Moscou devait protéger sa flotte de la mer Noire, basée à Sébastopol dans la péninsule de Crimée, ainsi que la population russophone de la région.

«Il n'y a absolument aucune justification», a martelé le ministre.

«Les affirmations du président Poutine sont absurdes et ridicules. Il n'a aucun droit d'envahir un autre pays, un pays voisin qui tente d'effectuer la transition vers la liberté et la démocratie. Les excuses et la rhétorique provenant de Moscou sont inacceptables. Personne n'y croit à l'Ouest, et le tout fait paraître M. Poutine ridicule.»

La veille, le premier ministre Stephen Harper avait annoncé le rappel de l'ambassadeur canadien en Russie et le retrait du Canada des rencontres préparatoires en vue du sommet du G8 qui doit avoir lieu à Sotchi, en Russie.

M. Baird rentrait samedi de Kiev, où il a dirigé une délégation du gouvernement canadien visant à démontrer un appui envers le nouveau gouvernement ukrainien pro-occidental.

En son absence, M. Baird a fait savoir que son sous-ministre avait appelé l'ambassadeur russe au Canada, Georgi Mamedov, et lui aurait servi «le discours le plus ferme depuis mon arrivée aux Affaires étrangères».

Il n'a pas non plus rejeté l'idée d'expulser carrément l'ambassadeur.

«Nous allons certainement réévaluer cette question d'heure en heure», a-t-il dit, avant d'ajouter que le Canada voulait agir «à l'unisson» avec ses alliés.

Lors d'une autre conférence de presse donnée plus tard à Toronto, le ministre Baird a aussi mentionné qu'Ottawa pourrait imposer des sanctions supplémentaires, y compris le gel d'avoirs russes, des pénalités sur le commerce et les investissements, ainsi qu'une interdiction de l'émission de visas.

Samedi, le premier ministre Stephen Harper a discuté avec le président américain Barack Obama et les deux se sont entendus pour «coordonner étroitement» leur réponse à l'invasion russe en Ukraine. M. Harper s'est aussi entretenu avec la chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre britannique David Cameron.

Malgré les sanctions, le Canada a toujours l'intention de participer aux Jeux paralympiques de Sotchi, prévus du 7 au 16 mars. Le chef du Nouveau Parti Démocratique, Thomas Mulcair - qui a eu droit à un résumé de la situation par le M. Harper, samedi - a dit soutenir la réaction du gouvernement.

Il a soutenu que le gouvernement avait réagi fortement aux actes de la Russie et qu'il estimait que cette décision était la bonne, a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse.

Selon lui, il est inacceptable de violer la souveraineté de l'Ukraine.

Des diplomates critiques

La réaction canadienne à la crise ukrainienne est cependant considérée, par deux anciens ambassadeurs canadiens, comme un ramassis de gestes vides de la part d'un pays de plus en plus marginalisé sur la scène internationale.

Jeremy Kinsman, qui a entre autres été dépêché en Russie et auprès de l'Union européenne, ainsi que Paul Heinbecker, un ancien ambassadeur aux Nations unies, se montrent très critiques de la décision prise samedi par Stephen Harper de rappeler l'ambassadeur canadien à Moscou, ainsi que de la possibilité d'expulser le représentant russe à Ottawa.

Les deux hommes qualifient le tout de «gestes d'éclat» qui soulignent l'absence d'influence du Canada sur la scène mondiale, particulièrement depuis l'échec de sa candidature pour un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

«Rappeler votre ambassadeur pour consultations - je crois que vous ne devez jamais faire cela. C'est strictement pour l'esbroufe. C'est plutôt le moment où jamais où vous devez avoir un ambassadeur sur place», a déclaré M. Kinsman.

L'idée d'expulser l'ambassadeur Georgi Mamedov est considérée comme «des enfantillages». «M. Mamedov est le doyen du corps diplomatique. Il est là depuis 11 ans, et cela fait 30 ans qu'il travaille avec le Canada. C'est un professionnel», a ajouté M. Kinsman.

Pour M. Heinbecker, lors d'une situation comme celle prévalant actuellement, il est essentiel de maintenir des contacts diplomatiques de haut niveau - et non pas de les rompre.

«Mamedov est l'un des types à qui vous voulez vraiment être en mesure de parler, dit-il. C'est lui qui a négocié la fin de la guerre du Kosovo. Il en sait quelque chose à propos de la façon de gérer ces situations de l'Occident contre la Russie.»

«Nous avons un gouvernement tout en gestes éclatants. C'est une politique étrangère basée sur des déclarations et de l'esbroufe, et tout est calculé en prévision des prochaines élections», a poursuivi M. Heinbecker.