Depuis deux semaines, les vaticanistes en étaient arrivés à une conclusion formelle: le conclave sera un référendum sur la curie romaine - l'ensemble des hauts fonctionnaires qui dirigent le Vatican. Le prochain pape devra remettre au pas ses subordonnés turbulents, qui ont miné le règne de Benoît XVI par des conspirations, le coulage de documents aux médias, des dossiers mal préparés, voire des scandales sexuels.

L'homélie qui a marqué le début du conclave, hier, a fait voler cette certitude en éclats. Le doyen des cardinaux, Angelo Sodano, n'a même pas effleuré le thème de la gouvernance du Vatican. «Il a probablement jugé que c'était trop délicat et a parlé de charité et d'amour», explique le jésuite Thomas Reese, de l'Université Georgetown, à Washington. «Ça pourrait ramener le conclave sur des thèmes plus progressistes.»

C'était la dernière fois avant la fumée blanche qu'un cardinal prenait la parole devant ses semblables. Tenus au silence dans la chapelle Sixtine, les cardinaux ne pourront avoir que des discussions informelles en petits groupes dans leur hôtel, la Domus Santa Marta, au Vatican.

En 2005, l'homélie de Joseph Ratzinger avait été un élément important de son élection rapide. Il y avait dénoncé la «dictature du relativisme» et affirmé que «la vraie liberté» est «la joie d'être croyant» - un ton dur qui avait déstabilisé ses confrères, après ses discours angéliques des semaines précédentes.

Le discours de Mgr Sodano - qui n'a pas le droit de vote puisqu'il a plus de 80 ans -, axé sur le «contact avec la souffrance, l'injustice, la pauvreté», remet l'accent sur les pays en voie de développement et sur les candidats latino-américains, ainsi que sur Marc Ouellet. Un autre aspect de la carrière du cardinal québécois, la «nouvelle évangélisation» de l'Occident, a aussi été abordé dans l'homélie. «Il n'y a pas d'action plus bénéfique, et donc charitable, envers le prochain que de partager le pain de la parole de Dieu.»

Il faut dire que les controverses entourant la curie sont un couteau à double tranchant. L'un des papabili les plus en vue, l'archevêque de Milan Angelo Scola, est étranger à la curie, donc jugé susceptible de la mettre au pas. Il a toutefois été mêlé au scandale Vatileaks - une lettre faisant référence à un complot pour assassiner Benoît XVI visait à favoriser son remplacement par Mgr Scola.