La Chambre des représentants américaine a adopté facilement mercredi une réforme interdisant à l'Agence de sécurité nationale (NSA) de collecter en masse des données aux États-Unis, réponse au scandale suscité par les révélations d'Edward Snowden il y a bientôt deux ans.

La proposition de loi, USA Freedom Act, doit encore être débattue au Sénat, où l'affrontement entre réformistes et défenseurs de la communauté du renseignement transcende les appartenances partisanes, dans un contexte de présence accrue du groupe État islamique sur internet.

«Les Américains ont dit sans équivoque au Congrès qu'il fallait contenir les programmes de surveillance du pays et aujourd'hui, la Chambre des représentants les a écoutés», s'est félicité le républicain Bob Goodlatte, promoteur du texte qualifié de plus grande réforme «depuis 40 ans».

C'est la protection de la vie privée des Américains qui est ici défendue. Les programmes d'interception des communications dans le reste du monde sont largement absents du débat, sauf de façon incidente, quand des Américains sont pris par erreur dans les filets de surveillance américains.

La loi modifierait un article controversé du Patriot Act, adopté après les attentats du 11 septembre 2001 et qui arrive à expiration le 1er juin. Elle interdirait explicitement la collecte à grande échelle par la NSA de données américaines, téléphoniques ou autres.

Révélé par les documents d'Edward Snowden, en juin 2013, un programme de métadonnées téléphoniques opérait secrètement depuis 2001, juste après les attentats du 11-Septembre, puis sous supervision judiciaire depuis 2006, constamment renouvelé par les administrations Bush et Obama.

Jusqu'à présent, la NSA a accumulé dans ses serveurs les métadonnées d'appels passés aux États-Unis (horaire, durée, numéro appelé, mais pas l'enregistrement des appels), qu'elle conserve cinq ans: une immense base de données ensuite exploitée par ses analystes pour repérer une éventuelle aiguille terroriste dans la botte de foin, selon l'expression du renseignement.

Les données seraient désormais conservées chez les opérateurs et accessibles par la NSA après l'aval d'un juge, et seulement de façon étroitement ciblée, la définition d'une cible ayant donné lieu à de fastidieux débats (un code postal ne constitue pas un critère valable, par exemple).

Barack Obama a apporté son soutien à la réforme l'an dernier.

Le Sénat divisé 

Le texte améliore aussi la transparence de la cour secrète Fisc, chargée de superviser les programmes de la NSA sur le territoire, et l'autorise à consulter des experts des communications ou de la vie privée.

L'approche est soutenue par des dizaines d'entreprises internet et informatiques dont l'image avait souffert en raison de leur coopération supposée avec la NSA (Consumer Electronics Association, Information Technology Industry Council, AOL, Apple, Facebook, Google, Microsoft, Yahoo!...).

«La réforme de la surveillance aux États-Unis est un élément essentiel pour restaurer la confiance internationale dans les entreprises américaines», a réagi Mark MacCarthy, de la fédération d'entreprises de logiciels et de contenus numériques, Software & Information Industry Association.

La réforme est la première d'ampleur depuis le 11-Septembre. Comme à l'époque, l'équilibre optimal entre protection de la vie privée et sécurité nationale constitue le coeur du débat.

Mais les réformistes s'opposent à la fois aux faucons, qui défendent bec et ongle la légitimité et l'utilité du programme de métadonnées, et à certaines ONG et certains élus libertaires, qui jugent que la réforme ne va pas assez loin.

Amnesty International regrette ainsi que le texte ne fasse que «bricoler avec un système abusif» et ne fasse rien contre la surveillance des habitants du reste de la planète.

Les débats s'annoncent rudes au Sénat. Le chef de la majorité républicaine souhaite reconduire l'article controversé du Patriot Act sans aucune modification, jusqu'en 2020.

Pour les faucons républicains, proches de la communauté du renseignement, l'attaque récente menée par deux tireurs apparemment «inspirés» par le groupe État islamique contre un concours de dessins de Mahomet dans le Texas ne fait que légitimer les programmes contestés. Ils arguent qu'il ne faut pas retourner à une mentalité «pré-11-Septembre».

La mesure «tente de réparer un système qui n'est pas cassé», a déclaré mercredi le président de la commission du Renseignement du Sénat, le républicain Richard Burr.