L'Espagne a réclamé lundi aux États-Unis des explications sur des écoutes téléphoniques présumées, tandis que la tempête provoquée par les écoutes de la NSA ne faiblissait pas, même si Washington niait que Barack Obama ait été au courant d'une surveillance téléphonique d'Angela Merkel.

Selon le quotidien espagnol El Mundo, l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA) a espionné en un mois, entre décembre 2012 et janvier 2013, plus de 60 millions d'appels téléphoniques en Espagne, qui s'ajouterait ainsi à la longue liste des pays européens espionnés, tels que la France.

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«Ces pratiques, si elles sont avérées, sont inappropriées et inacceptables entre pays alliés et amis», a affirmé le ministère espagnol des Affaires étrangères, où a été convoqué lundi matin l'ambassadeur des États-Unis à Madrid, James Costos.

Pendant cet entretien, le secrétaire d'État espagnol pour l'Union européenne, Iñigo Mendez de Vigo, a «sommé les autorités des États-Unis de fournir toutes les informations nécessaires sur les supposées écoutes réalisées en Espagne».

Selon un document présenté comme émanant de l'ex-analyste de la NSA Edward Snowden, reproduit lundi par El Mundo, cette agence «a espionné 60 506 610 appels téléphoniques» en Espagne entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013. Vendredi déjà, le journal El Pais affirmait que la NSA avait espionné des membres du personnel et du gouvernement espagnol, dont l'ancien premier ministre socialiste José Luis Rodriguez Zapatero.

Le chef du gouvernement de droite, Mariano Rajoy, allié des États-Unis, avait réagi prudemment vendredi, soulignant que son pays n'envisageait pas, «pour l'instant», d'adhérer à l'initiative franco-allemande en vue de demander des «clarifications» à Washington sur le travail de ses services secrets.

Lundi, la tempête provoquée par les écoutes de la NSA en Europe continuait d'alimenter la polémique dans les pays concernés, plus particulièrement en Allemagne, où les révélations sur un espionnage d'un téléphone portable de la chancelière ont créé un choc.

Le magazine Der Spiegel, qui avait révélé les soupçons du gouvernement fédéral à cet égard, a fait de nouvelles révélations ce week-end, écrivant que Mme Merkel était en fait écoutée depuis 2002, soit avant même qu'elle ne devienne chancelière (2005) et lorsque George Bush était à la Maison-Blanche.

Der Spiegel a en outre assuré que le président Barack Obama était au courant depuis 2010 de ce programme d'écoute de celle que le magazine américain Forbes désigne pratiquement chaque année depuis huit ans comme étant «la femme la plus puissante» de la planète.

Dans un communiqué envoyé dimanche soir à l'AFP à Washington, la NSA a démenti ces dernières accusations. «Le général (Keith) Alexander (qui dirige la NSA) n'a pas discuté avec le président Obama en 2010 d'une opération de renseignement supposée impliquant la chancelière Merkel et n'a jamais discuté d'une quelconque opération l'impliquant. Les informations de presse affirmant le contraire ne sont pas fondées», a déclaré Vanee Vine, une porte-parole de l'agence de renseignement.

Lundi, le Wall Street Journal affirmait quant à lui que les États-Unis avaient mis fin aux écoutes de la chancelière et d'autres dirigeants mondiaux après que Barack Obama eut appris l'existence d'un tel programme d'espionnage.

Sans commenter ces dernières informations, la presse allemande continuait de se montrer virulente à l'égard des États-Unis.

Dans un éditorial intitulé L'ami écoute faisant référence aux affiches de propagande de la Seconde Guerre mondiale, invitant les citoyens à rester sur leurs gardes, car «l'ennemi écoute», le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) assimilait les États-Unis à «une puissance d'occupation numérique».

La classe politique, pour scandalisée qu'elle apparaisse, peinait cependant à tirer des conséquences claires de cette crise. Certains évoquent, chez les sociaux-démocrates comme chez les conservateurs, une suspension des discussions sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis, mais Mme Merkel s'est clairement désolidarisée d'une telle démarche avant le week-end.

Pour le moment, l'Allemagne compte envoyer cette semaine aux États-Unis une délégation de hauts représentants de ses services de renseignement afin d'«avancer dans les discussions avec la Maison-Blanche et la NSA sur les allégations récemment évoquées», selon le porte-parole adjoint de la chancelière, Georg Streiter.

Une délégation du comité des libertés civiques du Parlement européen doit également voyager aux États-Unis, à partir de lundi et jusqu'à mercredi.