Plus de 1 300 blessés du séisme qui a dévasté Haïti sont entassés dans les hôpitaux de la République dominicaine voisine, comme celui de la ville frontalière de Jimani, où ils survivent sans nouvelles de leurs proches qu'ils ont dû abandonner.

Plus d'une semaine après le séisme meurtrier du 12 janvier, l'hôpital General Melenciano de Jimani, une petite ville de 11 000 habitants disposant de modestes installations médicales, déborde de blessés. Il y en a partout: dans les couloirs et jusque dans le hall d'entrée.

«Le rythme a diminué, mais nous continuons d'opérer une quarantaine de blessés par jour», dit le chirurgien orthopédiste, Jose Gil. La majorité des blessés devront être hospitalisés pendant une longue période.

Etendue sur un matelas, Marguerite Jeantel gémit. Elle a dû être amputée de la jambe gauche.

Son mari, Joseph, l'a transportée ici depuis Port-au-Prince où il l'a retrouvée devant leur maison après le séisme. Elle avait été happée par une voiture, qui lui a écrasé la jambe.

«Je suis venu jusqu'ici parce qu'aucun hôpital n'était opérationnel dans la capitale», dit-il.

«Ils en ont bien pris soin. Ils nous traitent bien, les Dominicains», ajoute-t-il, le souffle entrecoupé, dans un mélange de français, de créole, sa langue maternelle, et d'espagnol.

Port-au-Prince n'est qu'à 56 km de distance, mais l'état de la route ne permet pas de faire le déplacement en moins de deux heures.

Joseph et Marguerite ont laissé derrière eux deux enfants. Ils sont en vie mais n'ont plus de maison. Joseph pense savoir qu'ils vivent dans la rue, avec les voisins.

«Il y a toujours eu des Haïtiens dans cette région. Ils vont, ils viennent et jamais nous ne leur posons de questions», explique à l'AFP le directeur de l'hôpital, Francisco Muquete. «Mais il n'y en a jamais eu autant, avec l'affluence de tous ces blessés.»

Pendant un moment, la panique s'est emparée de Jimani, reconnaît le directeur. Mais l'aide est aussitôt arrivée, de Saint-Domingue, la capitale, et d'organisations non gouvernementales d'une dizaine de pays.

Si près mais si loin des leurs, les Haïtiens hospitalisés du côté dominicain de la frontière ont survécu, mais leurs proches en Haïti, dont ils sont sans nouvelles, ne le savent pas. Ils n'ont pas de téléphone mobile pour le leur dire et ne peuvent pas rentrer chez eux.

Le séisme a aussi été fortement ressenti à Jimani, mais aucune maison ne s'est effondrée, contrairement à ce qui s'est produit à Fort Parisien, à 12 km de l'autre côté de la frontière. «C'est la question que tout le monde se pose : Pourquoi ?», s'interroge le directeur de l'hôpital.

C'est de Fort Parisien que sont arrivés Heurimond Gerlens, 13 ans, et sa mère. L'adolescent a une grande blessure à la tête et une autre à la machoire, qui l'empêche de parler. Sa mère, Henriette, raconte qu'au moment du séisme, ils ont à peine eu le temps de sortir de leur modeste maison.

«Les briques, les carreaux, nous sont tombés dessus», dit Henriette. Mais ils s'en sont tirés indemnes, tout comme trois autres de ses enfants, dont elle est sans nouvelles.

«Ils étaient en vie quand je les ai laissés. Mais je n'avais pas le choix, Heurimond avait besoin d'être soigné», explique-t-elle en pleurant.