Depuis son retour d'Haïti, dans la nuit de jeudi, Ewald Étienne n'a presque rien avalé et a très peu dormi. Lorsqu'il se couche, il ne cesse de revoir les scènes qu'il a vécues juste après son arrivée à Port-au-Prince, mardi après-midi. Il revoit des images horribles, mais surtout, il est hanté par les hurlements des gens blessés, pris au piège dans les décombres de leur demeure.

Ewald Étienne, 30 ans, s'était rendu à Port-au-Prince avec son petit frère, Judelain, pour visiter leur père, gravement malade. «On voulait le voir avant qu'il meure.» C'était le premier voyage à vie de Judelain, âgé de 20 ans. Le jeune homme n'avait jamais vu son père, resté en Haïti quand sa mère a immigré au Québec. «C'était un voyage très important pour lui.»

Ewald et Julelain roulaient donc en direction de Pétionville avec leur demi-frère lorsque la terre s'est mise à trembler. «Les maisons à côté de nous tombaient comme des châteaux de cartes. Ensuite, il y a eu un nuage de poussière très compact. Et puis, on a commencé à entendre crier les gens qui étaient pris dans les décombres.»

Ces cris, les deux jeunes hommes les entendront pendant plus de 24 heures. «Ils hurlaient pour qu'on les aide. Et on ne pouvait rien faire. Il y avait aussi les enfants, qui pleuraient dans les rues parce qu'ils avaient perdu leurs parents.»

Il leur a fallu rouler pendant cinq heures pour atteindre le domicile de leur père, à Pétionville. La maison était à moitié détruite, mais leur père était vivant. Toute la famille a passé la nuit près des décombres. Leur père n'avait plus de morphine pour soulager les douleurs du cancer. Il souffrait. Ewald s'inquiétait pour son père, mais aussi pour son petit frère. «Il était en état de choc, assis sur une chaise, muet», raconte Ewald.

Le lendemain matin, Ewald et Judelain ont décidé de gagner l'ambassade canadienne. Ils savaient que leur mère, à Montréal, sans nouvelles de ses fils, était horriblement inquiète. Le réservoir de la voiture de leur demi-frère était à sec. Ils ont siphonné une voiture abandonnée dans la rue et ont commencé le long trajet au milieu des ruines de Port-au-Prince. À l'ambassade du Canada, ils se joignent aux 90 ressortissants qui s'y trouvent déjà.

Ils ont pris le premier avion vers Montréal. Leur mère les a retrouvés avec un immense soulagement. Depuis, la petite famille s'active pour faire venir le père ainsi que les demi-frères et soeurs. Ewald et sa famille espèrent surtout que leur pays d'origine pourra se relever de cette tragédie. «Dans quelques mois, j'espère qu'on va encore parler d'Haïti.»

De la chaux pour étouffer l'odeur des cadavres

Pendant ce temps, à l'aéroport Montréal-Trudeau, les rescapés canadiens continuent de revenir au pays à bord d'avions militaires. Leurs familles, réunies dans un hôtel voisin, les attendent avec un mélange retenu de joie et de soulagement.

C'était le cas de Gabriel Garnier, 17 ans, accompagné de sa mère, Chantal, de son frère, Laurent, et de sa soeur, Catherine. Ils attendaient leur père, Alix, parti visiter la famille à Port-au-Prince.

«Nous étions censés y aller, raconte Gabriel, étudiant en gestion. Mais mon père avait trouvé des billets à la dernière minute. Nous étions fâchés de ne pouvoir l'accompagner.»

Le jeune homme et sa famille ont dû patienter une journée avant d'avoir des nouvelles de la famille et de leur père, parti visiter son propre père, âgé de 96 ans. Par miracle, tout le monde a survécu. «Il s'en vient, il est vivant, le calvaire est fini pour lui.» Mais Alix Garnier a rapporté de terribles souvenirs de ce qu'il a vu. Il les a brièvement communiqués aux médias, les yeux plein de larmes.

«C'était épouvantable de voir un massacre comme ça, a-t-il dit. La nature s'est vraiment déchaînée. Il y avait des cadavres partout, à tous les coins de rue. Des tas de cadavres. On mettait de la chaux pour éviter que ça sente trop mauvais. Après quelques jours, on pouvait savoir s'il y avait des cadavres à l'odeur nauséabonde qui sortait des édifices.»

Fondant de nouveau en larmes, il s'est excusé et a quitté les lieux, entouré des siens.

De la chaux pour étouffer l'odeur des cadavres

Pendant ce temps, à l'aéroport Montréal-Trudeau, les rescapés canadiens continuaient de revenir au pays à bord d'avions militaires, alors que leurs familles, réunies dans un hôtel voisin, les attendaient avec un mélange retenu de joie et de soulagement.

Comme Gabriel Garnier, un jeune homme de Laval de 17 ans, accompagné de sa mère Chantal, de son frère Laurent et de sa soeur Catherine. Ils attendaient leur père, Alix, parti visité la famille à Port-au-Prince.

«Nous étions sensés y aller, raconte Gabriel, étudiant en gestion au niveau collégial. Mais mon père avait trouvé des billets à la dernière minute. Nous étions fâchés de ne pouvoir l'accompagner.»

Le jeune homme et sa famille ont dû patienter une journée avant d'avoir des nouvelles de la famille et de leur père, parti visiter son propre père, un homme de 96 ans. Par miracle, tout le monde a survécu. «Il s'en vient, il est vivant, le calvaire est vécu pour lui.» Mais Alix Garnier a rapporté de terribles souvenirs de ce qu'il a vu. Il les a brièvement communiqués aux médias, les yeux plein de larmes.

«C'était épouvantable de voir un massacre comme ça, a-t-il dit, ému. La nature s'est vraiment déchaînée. Il y avait des cadavres partout, à tous les coins de rue. Des tas de cadavres. On mettait de la chaux pour éviter que ça sente trop mauvais. Après quelques jours, on pouvait savoir s'il y avait des cadavres à partir de l'odeur nauséabonde qui sortait des édifices.»

Fondant de nouveau en larmes, il s'est excusé et a quitté les lieux, entouré des siens.

Revenus à bord d'un vol qui s'est posé à l'aéroport au milieu de la nuit, un groupe de parents et d'enfants d'une mission religieuse du sud de l'Ontario s'était rendu dans un village haïtien pour construire une conduite d'eau potable alimentant un dispensaire et un orphelinat.

«C'est très difficile à expliquer, raconte Josh Tresh, 16 ans. Ce que nous avons vécu est tellement bizarre. On aurait dit qu'un gros avion venait de s'écraser près de nous.» Sa mère, Laurie, ajoute: «soudainement, tout le monde des villages voisins ont convergé vers notre clinique pour recevoir des soins. Les jeunes ont fait tout ce qu'ils ont pu, ne serait-ce que de tenir la main de tous ces blessés.»

Photo: Alain Roberge, La Presse

À l'aéroport Montréal-Trudeau, les rescapés canadiens continuent de revenir au pays à bord d'avions militaires.