Contrairement à la France, le Canada ne voit pas la nécessité de distribuer des comprimés d'iode pour protéger la population contre une éventuelle contamination nucléaire. Selon Santé Canada, les Canadiens ne courent aucun risque.

Mercredi, la France a annoncé qu'elle avait envoyé des comprimés d'iode à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, dans l'océan Pacifique. La population y aurait accès dans l'éventualité où des particules radioactives émanant des centrales nucléaires japonaises retomberaient sur les territoires français.

Les pilules d'iode peuvent aider à réduire les risques associés à un accident nucléaire. Lorsqu'elle est saturée d'iode, la glande thyroïde ne capte pas l'iode radioactif, lequel peut accroître le risque de cancer de la thyroïde lorsqu'il est respiré ou ingéré.

L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est situé à 25 km au sud de Terre-Neuve. Est-ce à dire que le Canada est à risque?

Non, répond Stephane Shank, porte-parole de Santé Canada. «Même si la situation s'aggrave au Japon, on prévoit que les radiations qui pourraient atteindre le Canada seraient négligeables et ne présenteraient aucun risque pour la santé des Canadiens», dit-il.

Même son de cloche du côté des autorités de santé du Québec et de la Colombie-Britannique.

«Nous suivons la situation avec attention et partageons les consignes de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et de Santé Canada, indique Nathalie Lévesque, porte-parole du ministère de la Santé du Québec. Il n'y a pas lieu de croire que le rayonnement radioactif se rendra jusqu'au Québec.»

Mesure «excessive»

Ryan Jabs, directeur des relations de presse au ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, qualifie la mesure de la France d'«excessive». «D'après l'information que nous avons, il n'y a aucune nécessité de distribuer des comprimés d'iode aux Britanno-Colombiens», dit-il.

Le ministère de la Santé de Terre-Neuve-et-Labrador n'a pas rappelé La Presse.

Deux experts en radiation nucléaire interrogés hier par La Presse se montrent eux aussi dubitatifs à l'égard de la décision de la France.

«De notre point de vue, c'est complètement inutile actuellement de penser à utiliser des pilules d'iode», résume Jean Koclas, professeur de génie nucléaire à l'École polytechnique de Montréal.

Les centrales japonaises ne présentent pas de risque d'explosion ou d'incendie, souligne M. Koclas. Les produits radioactifs retomberaient donc localement et ne risqueraient pas de s'échapper dans l'atmosphère.

Jean Koclas souligne que, en Amérique du Nord, les retombées radioactives de l'explosion de Tchernobyl étaient à peine détectables avec des instruments ultrasensibles. Et l'accident n'a eu aucun impact sanitaire de ce côté-ci de l'océan.

Lysanne Normandeau, physicienne médicale responsable de la radioprotection au CHUM, est du même avis: «Actuellement, au Japon, on n'a même pas connaissance d'un nuage d'iode radioactif qui se serait échappé de la centrale, souligne-t-elle. Les Japonais eux-mêmes ne prennent pas encore de pilules d'iode.»