«Pour leur lutte non violente pour la sécurité des femmes et pour les droits des femmes de participer pleinement au processus de paix», trois femmes ont reçu hier le prix Nobel de la paix. Si deux d'entre elles se sont illustrées au Liberia, où elles ont participé à la résolution de la guerre civile, la troisième est toujours en plein combat à Sanaa, au Yémen, où elle est devenue un des visages féminins du printemps arabe. Portraits de trois femmes d'exception qui se joignent au club sélect (et restreint) des femmes nobélisées.

Ellen Johnson Sirleaf

La plus connue des trois lauréates du prix Nobel de cette année, Ellen Johnson Sirleaf, 72 ans, est l'actuelle présidente du Liberia. Élue en 2005, elle est la première femme à avoir été élue chef d'État d'un pays africain.

Devenue présidente au lendemain d'un conflit civil de 14 ans qui a fait 250 000 morts, elle a travaillé à la reconstruction du Liberia, dont l'économie était en ruine. Mardi, elle briguera de nouveau les suffrages pour obtenir un deuxième mandat.

Ce n'est cependant pas seulement pour son rôle présidentiel que Mme Johnson Sirleaf a été couronnée par le comité du prix Nobel, qui a aussi voulu reconnaître sa carrière dans de grandes organisations internationales. Mme Johnson Sirleaf est notamment à l'origine de la résolution 1325, adoptée il y a 11 ans par le Conseil de sécurité des Nations unies, sur les femmes dans les zones de conflit et sur le rôle à leur accorder dans les négociations de paix.

Elle a aussi été la première chef d'État à mettre sur pied une force de maintien de la paix exclusivement féminine. Dans son pays, Mme Johnson Sirleaf ne fait cependant pas l'unanimité. Beaucoup lui reprochent d'avoir été un temps une alliée de Charles Taylor, ex-président du Liberia qui fait aujourd'hui face à des accusations de crimes contre l'humanité, à la Cour pénale internationale, pour son rôle dans le conflit au Liberia.

Photo Reuters

Ellen Johnson Sirleaf est devenue en 2005 la première femme élue chef d'État d'Afrique.

Leymah Gbowee

Âgée de 39 ans, mère de six enfants, Leymah Gbowee est une militante pacifiste de renom au Liberia. Présidente du Women Peace and Security Network, elle a joué un rôle de premier plan dans son pays au cours de la guerre civile.

Elle a d'abord travaillé auprès des victimes de viol avant de se tourner vers le militantisme pacifiste. Alors que le pays était à feu et à sang, elle a organisé des manifestations et des prières pour la paix avec des femmes d'ethnies et de religions diverses. Elle recommandait aussi aux femmes de priver leur mari de sexe pendant le conflit afin que ces derniers reprennent leurs esprits et arrêtent de tuer femmes et enfants.

Une fois la guerre terminée, en 2003, la «guerrière de la paix» n'a cependant pas rangé ses armes pacifiques. Trois mois après la fin des combats, elle a organisé une manifestation pour attirer l'attention sur le fait que les soldats continuaient de violer des civiles, malgré le cessez-le-feu.

En 2003 aussi, pour obtenir le départ du président Charles Taylor, elle a organisé une grande marche à Monrovia. Quand le président a pris la voie de l'exil vers le Ghana, Mme Gbowee et ses proches l'ont suivi et ont continué de tourmenter le tyran.

Hier, lorsqu'elle a appris la nouvelle de son obtention du prix Nobel, Mme Gbowee s'est dite confuse. «C'est la première fois en 39 ans que je ne trouve pas mes mots», a-t-elle dit aux journalistes.

Photo: AP

La Libérienne Leymah Gbowee.

Tawakkul Karman

Parmi tous les acteurs du printemps arabe, le comité Nobel a choisi de couronner cette jeune Yéménite de 32 ans pour le rôle qu'elle joue dans le soulèvement démocratique contre le président de son pays, Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 33 ans. Journaliste pasionaria et membre du parti islamiste Islah, Mme Karman se bat pour la liberté d'expression au Yémen depuis déjà plusieurs années.

Elle a notamment fondé l'organisation Femmes journalistes sans chaînes, en 2006, pour défendre ses consoeurs dans un pays où les femmes vivent largement recluses. Elle a aussi bravé plusieurs interdits dans le parti auquel elle appartient, décidant de se débarrasser du voile noir qui lui couvrait le visage et de le remplacer par un foulard coloré. C'est cependant en février cette année qu'elle est devenue une icône du printemps arabe. Une des premières à avoir planté sa tente au centre-ville de Sanaa pour demander le départ du président, elle a été arrêtée par les autorités.

Son arrestation a été à l'origine de nombreuses manifestations. Après sa libération, elle a continué son combat. Hier, elle était dans sa tente, sur la «place du Changement», quand elle a appris sa nomination. Elle a dédié son prix Nobel «à tous les martyrs et les blessés du printemps arabe».

Le choix du comité ne fait cependant pas sourire tout le monde. Plusieurs militants yéménites de gauche reprochent à la jeune femme d'avoir un style dictatorial dans le mouvement pro-démocratique. Avec l'Irlandaise Mairead Corrigan, Tawakkul Karman est la plus jeune personne à recevoir le prix Nobel de la paix. Elle est aussi la première femme arabe à l'obtenir.

- Avec la BBC, Reuters, The New York Times, AFP

Photo: AP

Tawakkul Karman