Un accord définitif sur le programme nucléaire iranien semblait encore lointain dimanche, selon les ministres des puissances occidentales venus à Vienne faire le point des négociations avec les Iraniens, censées aboutir le 20 juillet.

«Nous ne sommes pas encore arrivés à un accord», a déclaré le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, premier à quitter Vienne. «La discussion a été utile et va se poursuivre», a-t-il ajouté.

Quelques instants plus tard, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier lui emboitait le pas en déclarant qu'un accord sur ce dossier, qui empoisonne les relations internationales depuis dix ans, était encore «incertain».

«Il reste peu de temps d'ici le 20 juillet... la balle est dans le camp de l'Iran, a déclaré M. Steinmeier, espérant que «les jours qui restent seront suffisants pour amener Téhéran à la réflexion».

«L'Iran doit être plus réaliste pour faire ce qui est nécessaire pour arriver à un accord», a renchéri le Britannique William Hague, évoquant «un fossé énorme» entre Iraniens et Occidentaux sur le coeur de la négociation, la capacité d'enrichissement d'uranium réclamée par l'Iran.

Enrichi à un niveau élevé, l'uranium peut servir à fabriquer la bombe atomique. À un faible degré, il sert de combustible aux centrales nucléaires pour la production d'électricité.

La communauté internationale soupçonne Téhéran de vouloir se doter de l'arme atomique, ce que nie l'Iran qui assure que son programme nucléaire est à vocation strictement civile.

«La confiance doit aller dans les deux sens», a répliqué dimanche le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif sur son compte twitter.

Assurant que l'Iran faisait «un effort sincère», il a dit «attendre la même chose» des négociateurs du groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne).

Au même moment, interrogé par Fox News Sunday, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, a exhorté la communauté internationale à «ne pas faire confiance à l'Iran», assurant que tout accord nucléaire qui laisserait au pays la capacité d'enrichir de l'uranium serait «catastrophique».

Vers une extension des discussions ?

Après le départ des chefs de la diplomatie européens, l'Américain John Kerry a eu dans la soirée une rencontre bilatérale avec M. Zarif. Les deux hommes pourraient se retrouver de nouveau lundi matin.

Le but des réunions dimanche était, selon la formule du Britannique William Hague, de «voir de quelle marge nous disposons pour faire des progrès avant le 20 juillet».

Au terme de l'accord intérimaire conclu à Genève en novembre 2013, prévoyant le gel du programme nucléaire iranien en échange d'une levée limitée des sanctions, la négociation est reconductible pour six mois après le 20 juillet, mais si les deux parties sont d'accord.

Interrogé sur une éventuelle extension des pourparlers, M. Hague a estimé qu'il était «trop tôt pour le dire».

«Si nous pouvons parvenir à un accord d'ici au 20 juillet, bravo. Si nous ne pouvons pas, il y a deux possibilités: ou nous prolongeons nos discussions, ou nous devrons dire que malheureusement il n'y a pas de perspective d'accord», a pour sa part déclaré M. Fabius.

Selon une source occidentale, qui a jugé «improbable» un accord d'ici le 20 juillet, «la question est: est-ce qu'on continue à discuter ? Combien de temps ? Nous voulons des signaux de la part des Iraniens de leur volonté d'avancer, il ne suffit pas qu'ils disent qu'ils sont d'accord pour continuer à discuter».

«Il y a des choix difficiles et lourds à faire pour tout le monde, y compris pour l'Iran, et pour demander aux Iraniens de faire ces choix il était utile que les ministres viennent le leur dire», a ajouté cette source.

Lors de leurs différents entretiens dimanche, les chefs de la diplomatie occidentaux ont également évoqué la nécessité d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, alors que la guerre fait rage à Gaza.

Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier doit, dans la foulée de la réunion à Vienne, se rendre lundi et mardi au Proche-Orient, ainsi que son homologue italienne Federica Mogherini.

Chez les ministres américain et français, aucune décision n'avait été prise sur un éventuel déplacement au Proche Orient, selon leurs entourages.

«Confiance à Rohani mais jugez-le sur ses actes»

Il faut «faire confiance» au président iranien Hassan Rohani sur la question du nucléaire, mais aussi le «juger sur ses actions et non ses mots», recommande un rapport de la Commission britannique des affaires étrangères dévoilé lundi.

Le rapport a été rédigé avant la réunion des puissances occidentales dimanche à Vienne pour tenter de débloquer le dossier.

Le Foreign Affairs Committee souligne que «le président Rohani doit être considéré comme quelqu'un qui cherche vraiment un accord durable sur le nucléaire iranien avec les 5+1» et qu'il bénéficie d'une «crédibilité et d'une autorité au plus haut niveau dans son pays».

«Mais c'est un pragmatique qui espère une levée des sanctions (économiques pesant sur l'Iran) et pas nécessairement un réformiste». Il doit en conséquence être «jugé sur ses actes et non ses mots», dit le rapport.

La Commission estime que «la capacité de l'Iran devrait être limitée de sorte qu'il faille au moins six mois pour produire suffisamment d'uranium enrichi nécessaire à une bombe nucléaire» ce qui laisserait «suffisamment de temps pour le détecter et en référer au Conseil de sécurité des Nations Unies».

La capacité d'enrichissement d'uranium et le nombre de centrifugeuses que conserverait l'Iran après un accord est l'un des points les plus délicats de la discussion. L'enrichissement poussé à un haut niveau de pureté peut servir à fabriquer l'arme atomique. À un faible niveau, il sert à alimenter les centrales nucléaires pour produire de l'électricité.

«Si nous faisons confiance à l'Iran, l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) doit avoir le droit à des inspections inopinées et intrusives de toutes les facilités nucléaires iraniennes, des produits, plans et archives», selon le président de la commission, Richard Ottaway.

Le Foreign Affairs Committee salue par ailleurs la réouverture de l'ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran. La décision de la fermer en 2011, lorsqu'elle a été mise à sac, était certes «inévitable» mais a aussi nui à la «visibilité et à l'influence» du Royaume-Uni en Iran.